Demande de remboursement des cotisations sociales indues : chaque chose en son temps !
Décision de justice = point de départ du délai de prescription ?
Un employeur demande à l’Urssaf, en novembre, la restitution de cotisations sociales indûment versées (jusqu’à 7 ans plus tôt pour les plus anciennes).
Au soutien de cette demande, il invoque notamment une décision de justice datant du mois de juin annulant les mises en demeure de l’Urssaf, à l’origine du paiement indu des cotisations litigieuses.
Parce que cette décision récente rebat les cartes et annule le fait générateur à l’origine du versement indu, il peut demander le remboursement des cotisations !
Mais l’Urssaf rejette la demande en considérant, entre autres, que la demande de l’employeur est prescrite.
Elle rappelle que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale se prescrit par 3 ans à compter de la date de versement.
Sauf que le juge tranche en faveur de l’employeur : lorsque l’indu résulte d’une décision juridictionnelle, le délai de prescription de l’action en restitution des cotisations ne peut pas commencer à courir avant la naissance de l’obligation de remboursement qui découle de cette décision.
Schématiquement, la prescription ne commençait ici à courir qu’à compter du prononcé de la décision de justice. Dès lors, l’employeur était parfaitement dans les délais pour formuler sa demande de remboursement !
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Acte anormal de gestion : à qui profite le crime ?
Vente à un prix anormal = acte anormal de gestion = taxation personnelle de l’acheteur ?
Une SCI ayant une activité de construction-vente fait construire un ensemble immobilier comprenant 4 immeubles puis vend un appartement, un garage et une cave situés dans un de ces immeubles à l’associé d’une société tierce, elle-même associée de la SCI.
Une vente qui attire l’œil de l’administration fiscale selon qui le prix de vente est anormalement bas par rapport à la valeur vénale des biens immobiliers en cause.
Une opération constitutive d’un « acte anormal de gestion », ce qui lui permet de réévaluer le prix de vente et de rectifier l’impôt sur le revenu de l’associé : pour elle, en achetant ce bien à un prix inférieur à la valeur vénale réelle, l’associé a bénéficié d’un avantage occulte constitutif d’une distribution de bénéfices… Et doit donc être imposé en conséquence !
Pour mémoire, un « acte anormal de gestion » est un acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt ce qui, sur le plan fiscal, est sanctionnable.
Dans cette affaire, l’administration fiscale détermine la valeur vénale de l’appartement, de la cave et du garage en comparant leur vente à 3 autres ventes consenties par la SCI auprès de particuliers portant sur des appartements présentant une taille et des caractéristiques identiques, situés dans le même bâtiment.
Sauf que cette méthode par comparaison est contestable, rétorque l’associé qui constate que l’administration n’a pas tenu compte d’autres ventes que la SCI a réalisé dans le même ensemble immobilier au profit d’une société HLM.
Sauf qu’il faut comparer ce qui est comparable, ironise l’administration. Si la SCI a effectivement réalisé d’autres ventes dans le même ensemble immobilier, celles consenties à la société HLM concernent des logements sociaux, vendus en bloc, destinés à la location, et ne présentant pas les mêmes caractéristiques que l’appartement litigieux, et cela change tout…
Mais si « acte anormal de gestion » il y a, encore faut-il prouver l’existence d’une intention libérale au profit de l’acheteur, insiste l’associé, ce que l’administration n’a pas fait.
Et pourtant… Parce que l’acheteur n’est autre que l’associé d’une société, elle-même associée de la SCI, il est clairement établi que vendeur et acquéreur sont liés par une relation d’intérêts laquelle permet de présumer l’intention d’octroyer et de recevoir une libéralité, rappelle l’administration.
Ce que confirme le juge : puisque l’administration apporte la preuve que la SCI a vendu l’appartement, la cave et le garage à un prix inférieur à leur valeur vénale et que l’intention libérale était bel et bien présumée, tout est réuni pour qualifier l’opération d’« acte anormal de gestion ».
Le redressement fiscal est donc parfaitement justifié !
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C’est l’histoire d’un dirigeant qui, fiscalement, souhaite prendre le large…
Au cours d'un contrôle fiscal, l’administration se penche sur les frais de location d’un bateau payés par une holding. Des frais qui sont manifestement sans rapport avec l’activité purement patrimoniale de la société, donc non déductibles pour elle…
… et de ce fait, imposables au nom du dirigeant, estime l’administration. Des dépenses bel et bien engagées dans l’intérêt de la holding, conteste le dirigeant : la location du bateau permet d’offrir des promenades en mer à de potentiels clients. « Quel rapport avec l’objet social de la holding ? », s’interroge le vérificateur qui rappelle que cette société se contente de détenir sa filiale et de lui porter une assistance administrative et stratégique. Ce qui exclut donc toute prestation de nature commerciale…
Ce que confirme le juge, qui valide le redressement : en l’absence de réelle contrepartie retirée de cette location de bateau, les frais engagés ne sont pas déductibles au niveau de la holding, et imposables au nom du dirigeant.
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Résiliation judiciaire du contrat de travail : qui prouve quoi ?
Résiliation du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité : focus sur la charge de la preuve
Un salarié est victime d’un accident de travail à la suite duquel il sollicite du juge la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il considère, en effet, que son contrat doit être résilié car son employeur a manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à son accident de travail.
Ce que réfute l’employeur ! Puisque le salarié ne produit pas les preuves des circonstances dans lesquelles il s’est blessé, il ne démontre pas en quoi l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Sa demande est donc irrecevable.
Mais le salarié insiste en rappelant que puisqu’il sollicite la résiliation de son contrat sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité, c’est à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a correctement rempli son obligation de sécurité.
Et cet argument emporte la conviction du juge qui tranche en faveur du salarié : il revient toujours à l’employeur de démontrer qu’il a pris toute mesure de nature à honorer son obligation de sécurité.
Ainsi, lorsque la résiliation judiciaire du contrat repose sur un manquement à l’obligation de sécurité, la charge de la preuve repose sur l’employeur et non sur le salarié demandeur.
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 février 2024, no 22-15624 (NP)
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Quand un avocat aimerait qu’on lui dise de se taire…
Droit au silence : tout le temps ?
Un avocat est mis en examen pour plusieurs délits. Dans le cadre de l’instruction, il se voit interdire l’exercice de sa profession pendant 6 mois.
Cette interdiction est une « mesure de sûreté conservatoire », c’est-à-dire qu’elle n’a pas pour objectif de punir l’avocat, mais d’empêcher toute nouvelle infraction afin de protéger l’ordre public.
Mais parce que personne ne lui a notifié son droit au silence, l’avocat conteste estimant que cet « oubli » lui a causé du tort. Pourquoi ? Parce que toutes ses déclarations ont nécessairement été prises en compte pour prononcer la peine !
« Non ! », tranche le juge. Parce que la mesure de sûreté conservatoire n’est pas une peine pénale ou une sanction disciplinaire, elle est prononcée indépendamment de toute faute de l’avocat.
Par conséquent, comme la question ne porte pas sur la culpabilité de l’avocat, mais sur la protection de l’ordre public, le fait de ne pas lui avoir notifié son droit au silence est sans conséquence.
Sa suspension d’exercice est donc maintenue !
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De la micro à la grande entreprise : des seuils revus et corrigés, à nouveau…
Catégories d’entreprise : micro, petite, moyenne ou grande entreprise ?
En janvier 2024, les seuils permettant d’établir l’appartenance d’une société à différentes catégories (micro, petite, moyenne ou grande entreprise) avaient été modifiés. Et il en allait de même pour les seuils concernant les groupes.
Ceux-ci sont à nouveau modifiés au 1er mars 2024. Ces nouveautés s'appliquent aux comptes et rapports afférents aux exercices sociaux ouverts à compter du 1er janvier 2024.
Si vous voulez savoir si vous gérez / dirigez une micro-entreprise, une petite entreprise, une moyenne entreprise ou une grande entreprise, reportez-vous au tableau suivant qui définit, sur le plan réglementaire, les catégories d’entreprises françaises :
|
Catégorie |
Chiffre d’affaires (en €) |
Total du bilan (en €) |
Nombre de salariés |
|
Micro-entreprise |
Jusqu’à 900 K€ |
Jusqu’à 450 K€ |
Jusqu’à 10 |
|
Petite entreprise |
Jusqu’à 15 M€ |
Jusqu’à 7,5 M€ |
Jusqu’à 50 |
|
Moyenne entreprise |
Jusqu’à 50 M€ |
Jusqu’à 25 M€ |
Jusqu’à 250 |
|
Grande entreprise |
> 50 M€ |
> 25 M€ |
> 250 |
Une nomenclature est également prévue pour les groupes français, selon le détail suivant :
|
Catégorie |
Chiffre d’affaires (en €) |
Total du bilan (en €) |
Nombre de salariés |
|
Petit groupe |
Jusqu’à 18 M€ |
Jusqu’à 9 M€ |
Jusqu’à 50 |
|
Moyen groupe |
Jusqu’à 60 M€ |
Jusqu’à 30 M€ |
Jusqu’à 250 |
|
Grand groupe |
> 60 M€ |
> 30 M€ |
> 250 |
Pour information :
- le montant net du chiffre d'affaires est égal au montant des ventes de produits et services liés à l'activité courante, diminué des réductions sur ventes, de la TVA et des taxes assimilées ;
- le total du bilan est égal à la somme des montants nets des éléments d'actif ;
- le nombre moyen de salariés est apprécié sur le dernier exercice comptable s’il ne correspond pas à l'année civile précédente.
De plus, les seuils permettant d’établir si une entreprise doit ou non nommer un commissaire aux comptes ont également été modifiés. Il est désormais nécessaire de faire appel à un commissaire aux comptes si au moins 2 des 3 seuils suivants sont atteints :
|
Catégorie |
Chiffre d’affaires (en €) |
Total du bilan (en €) |
Nombre de salariés |
|
Sociétés indépendantes |
10 M€ |
5 M€ |
50 salariés |
|
Sociétés contrôlées directement ou indirectement par une ou plusieurs personnes et entités |
5 M€ |
2,5 M€ |
25 salariés |
Pour finir, notez que les mandats de commissaires aux comptes en cours au 1er mars 2024 se poursuivent jusqu’à leur date d’expiration.
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C’est l’histoire d’un salarié pour qui son temps de trajet commence tôt…
Alors qu’il procède au déneigement de sa voiture sur son parking pour aller au travail, un salarié chute et se blesse. Parce qu’il s’apprêtait à se rendre au travail, cet accident est, pour lui, un accident de trajet qui doit être indemnisé comme tel…
Ce que refuse la caisse d’assurance maladie, chargée d’indemniser le salarié : un accident de « trajet » ne peut survenir que lorsque le salarié a quitté son logement. Ici, il était sur son parking : il ne s’agit donc pas d’un accident « de trajet ». Mais le salarié insiste : l’heure de sa chute est compatible avec les nécessaires précautions à prendre pour arriver à l’heure au travail ; puisqu’il était sur son parking, il était déjà sur le « trajet »…
Ce qui convainc le juge : la chute a eu lieu après que le salarié ait quitté son logement, de sorte qu’il se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail, trajet qu’il n’a d’ailleurs pas interrompu pour des raisons personnelles... Ce qui en fait un accident de trajet indemnisable !
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C’est l’histoire d’un employeur qui doit prouver qu’il est (réellement) débordé…
Une entreprise qui fait face à un surcroît temporaire d’activité décide d’embaucher un salarié via un CDD qu’elle renouvelle à plusieurs reprises. Une situation qui finit par poser un problème au salarié…
Selon lui, son embauche en CDD a pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il réclame alors la requalification de ses CDD en un seul CDI, estimant que l’entreprise ne fait pas face à un surcroît d’activité. En tous les cas, elle ne le démontre pas vraiment… Ce dont se défend l’employeur : tous les CDD mentionnent bien le fait qu’ils sont conclus avec le salarié pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Ce qui suffit, selon lui…
« Insuffisant » tranche le juge en faveur du salarié : ici, l’employeur ne peut pas se contenter d’une simple clause dans le contrat de travail. Il doit démontrer la réalité du surcroît temporaire d’activité pour recourir au CDD. Une preuve qu’il ne rapporte pas ici…
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Commission d’office : quand faut y aller, faut rester !
C’est l’histoire d’un avocat qui refuse de faire acte de présence….
Devant une cour d’assises, un accusé ne peut pas être laissé sans avocat. Dans l’hypothèse où l’avocat, aussi appelé le défenseur, choisi ou désigné pour l’affaire ne se présente pas, le président de la cour, c’est-à-dire le juge qui préside, en commet un d’office.
Dans une affaire récente, un accusé, en plein procès, demande à ses 2 avocats de ne plus assurer sa défense. Le président de la cour, conformément à la loi, les commet d’office pour assurer malgré tout la défense de leur client.
Qu’à cela ne tienne, les 2 avocats, imitant l’accusé, quittent la salle d’audience, après avoir présenté au président un motif d’excuse et d’empêchement.
« Peu importe ! », selon le président, qui leur demande de revenir… en vain…
Un refus qui ne reste pas sans conséquence puisque les 2 avocats sont sanctionnés pour avoir refusé de respecter les règles de leur profession sur l’acceptation de la commission d’office.
« Faux ! », contestent les avocats. Rien ne peut leur être reproché puisque l’accusé lui-même a quitté la salle d’audience et a demandé à ses défenseurs d’en faire de même. La commission d’office ayant pour objectif d’assister l’accusé, quel intérêt avaient-ils à rester dans la salle, de manière passive, contre la volonté de l’accusé ?
De plus, leur départ de la salle n’était pas si loin de leur mission que cela : parce qu’ils avaient dénoncé, en vain, des conditions de jugement inéquitables, quitter la salle était un « choix de défense ultime », moyen de défense validé par la Convention européenne des droits de l‘homme.
Mais ces arguments ne convainquent pas le juge. Quand bien même leur départ n’a pas entravé l’audience, seul le président est compétent pour accepter ou non les motifs d’excuse ou d’empêchement. Ici, le président avait refusé la demande des avocats et les avait commis d’office. Le fait de partir n’était pas ici un moyen de défense, mais bien un refus de respecter les règles de la profession. Les sanctions sont donc justifiées !
