
C’est l’histoire d’un employeur et d’une salariée qui signent plus vite que leur ombre…

Un employeur et une salariée s’entretiennent en vue de conclure une rupture conventionnelle individuelle. Parce qu’ils sont d’accord sur toutes les modalités de la rupture, ils décident de signer la convention le jour même…
Après l’homologation de la convention, la salariée conteste cette rupture conventionnelle et réclame même son annulation au motif que celle-ci a eu lieu le même jour que l’entretien préalable : pour elle, le fait que la convention soit signée le jour même prive l’entretien préalable de son objet. Ce que réfute l’employeur : rien dans la loi ne fait obstacle à ce que la convention de rupture conventionnelle individuelle soit signée le jour même de l’entretien préalable, tant que ces deux étapes sont respectées…
Ce que confirme le juge qui valide la position de l’employeur : l’entretien et la signature de la convention de rupture conventionnelle peuvent tout à fait avoir lieu le même jour tant que l’entretien avec la salariée se déroule (même immédiatement) avant.
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Salarié détaché à l’étranger : tout travail mérite « exonération fiscale » ?

Salarié envoyé à l’étranger : à qui profite la prospection ?
Un particulier signe un contrat de travail avec une entreprise établie en France, elle-même détenue par une société américaine, en vue de prospecter le marché commercial de la location d’avions à l’étranger.
Une situation qui selon lui, lui permet de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu (IR) au titre des salaires perçus dans le cadre de cette activité… Mais pas selon l’administration fiscale, qui lui refuse le bénéfice de cet avantage.
« Pourquoi ? », s’étonne le salarié qui rappelle que les salariés envoyés à l’étranger par un employeur établi en France pour exercer une activité de prospection commerciale pendant plus de 120 jours par an peuvent bénéficier d’une exonération d’IR à raison des salaires perçus en rémunération de cette activité.
Et toutes les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif sont ici remplies, maintient le salarié. Pour preuves :
- son employeur est domicilié en France ;
- son activité salariée consiste à prospecter, à l’étranger, un marché commercial ;
- sa mission à l’étranger a duré plus de 120 jours au cours d’une période de 12 mois consécutifs.
Sauf qu’une condition essentielle fait pourtant défaut, constate l’administration : si le salarié a effectivement été envoyé à l’étranger pour exercer une activité de prospection, cette activité a uniquement pour but de développer l’activité de location d’avions commerciaux de la société américaine… et non celle de l’entreprise française.
Ce que confirme le juge : l’exonération d’IR s’applique uniquement si l’activité du salarié a pour but d’assurer le développement des activités ou des marchés à l’étranger d’un employeur français.
L’exonération d’impôt réclamée est donc ici refusée !
- Arrêt du Conseil d’État du 15 mars 2024, no 464216 (NP)
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C’est l’histoire d’un dirigeant qui ne s’estime plus « maître » de son affaire…

L’administration rectifie l’impôt d’une société, en tire toutes les conséquences et taxe personnellement son ancien gérant au titre des revenus distribués. Sauf qu'il est « ancien » gérant, donc plus « maître de l’affaire », donc non concerné conteste ce dernier…
« Vous l’étiez ! », estime l’administration qui rappelle que l’ancien dirigeant était associé égalitaire et gérant de droit de la société. « Justement, je l’étais ! », ironise l’ancien gérant, mais plus au cours de l’année concernée par le redressement. Et, pour preuve, il fournit le procès-verbal de l’assemblée générale mettant fin à ses fonctions de gérant. Sauf que ce procès-verbal n’a été enregistré au registre du commerce et des sociétés que l’année suivante : il était donc toujours « légalement » gérant de la société au titre de l’année litigieuse, estime l’administration…
Ce que confirme le juge : l’ancien dirigeant étant le « maître de l’affaire » à l’époque, le redressement fiscal est ici parfaitement justifié !
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Un « Legal privilege » pour les juristes d'entreprises ?

Pour protéger les intérêts de son entreprise, un dirigeant demande à son service juridique d'apposer la mention « confidentiel – consultation juridique » sur les consultations rédigées par ses juristes, afin de pouvoir se prévaloir de leur confidentialité pour ne pas les communiquer à des tiers.
Les consultations rédigées par les juristes de l'entreprise bénéficient-elles vraiment de la confidentialité ?
La bonne réponse est... Non
En l'état actuel de la réglementation, la confidentialité des consultations juridiques (ou « Legal privilege ») n'existe pas pour celles faites par les juristes d'entreprises. Cette pratique mise en place par le dirigeant n'a donc ici aucun effet.
Pour autant, sachez que la mise en place d'un « Legal privilege » pour les consultations des juristes d'entreprises est actuellement discutée au Parlement.
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Les plateformes numériques utiles aux automobilistes !

Quand la numérisation trace sa route !
Assurance
Pour rappel, à partir du 1er avril 2024, vous n’aurez plus besoin, pour prouver que votre véhicule est assuré, de détenir la carte verte de votre assurance ni d’apposer le « papillon vert » sur votre pare-brise.
La vérification de votre assurance se fera systématiquement via le Ficher des Véhicules Assurés (FVA). Vous pouvez d’ailleurs vérifier que votre véhicule est bien répertorié en vous rendant sur le portail dédié, disponible ici.
Pour information, l’impression et l’envoi des cartes vertes représentent 1 200 tonnes de CO2 par an…
Points de permis de conduire
Parmi les portails numériques avec lesquels les conducteurs vont devoir s’habituer à vivre, on trouve la plateforme « MesPointsPermis ». Cette dernière vient de faire l’objet d’une mise à jour : les utilisateurs peuvent maintenant consulter le relevé intégral des informations relatives à leur permis.
Une information plus complète que le simple solde de points à l’instant T…
- Article economie.gouv.fr du 20 mars 2024 : « Assurance automobile : suppression de la carte verte au 1er avril 2024 »
- Arrêté du 7 mars 2024 portant simplification des modalités de preuve et de contrôle de l'assurance de responsabilité civile automobile obligatoire
- Arrêté du 20 mars 2024 relatif à la liste des organismes pouvant recevoir les informations contenues dans le fichier des véhicules terrestres à moteur assurés
- Arrêté du 15 février 2024 modifiant l'arrêté du 13 novembre 2023 autorisant la création d'un traitement automatisé dénommé « Mes Points Permis »
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Congés payés et arrêt maladie : la saga continue…

Congés payés et arrêt maladie : rappel du contexte
Par une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2023, le juge a considéré que certaines dispositions du Code du travail relatives à l’acquisition des congés payés par les salariés en arrêt maladie ne devaient plus être appliquées, car contraires au droit de l’Union européenne (UE).
Pour mémoire, ces dispositions prévoyaient que l’arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle n’était pas considéré comme du temps de travail effectif.
Le juge a estimé que ces règles ne devaient pas s’appliquer : pour lui, un salarié en arrêt maladie doit pouvoir acquérir des congés payés.
Il rappelait également que le délai de prescription pour le report des congés payés acquis avant ou pendant un arrêt maladie, ne commençait à courir qu’à partir du moment où le salarié était effectivement en mesure de prendre ses congés…
Quelques temps plus tard, interrogé à son tour, le Conseil constitutionnel a rappelé que même si ces dispositions étaient non conformes au droit de l’UE, elles restaient valables au regard de la Constitution.
D’où un flou juridique et un casse-tête pour les entreprises…
En l’état, seul le législateur est donc en mesure d’apporter une réponse aux entreprises quant aux règles applicables à l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail.
D’où l’intervention du Conseil d’État, appelé à donner son avis sur un futur projet de loi…
Congés payés et arrêt maladie : quel est l’avis du Conseil d’État ?
Concrètement, 2 questions ont notamment été posées au Conseil d’État :
- la 1re concernant la mise en place d’une limite quant à l’acquisition des congés payés pendant l’arrêt maladie non professionnel ;
- la 2de pour régler le droit (et le délai) au report des congés payés acquis avant ou pendant un arrêt maladie, quelle que soit son origine.
Sur le 1er point, le Conseil d’État estime qu’il est possible de limiter à 4 semaines les congés acquis au cours d’une absence pour maladie non professionnelle, conformément au projet du Gouvernement.
Sur le 2nd point, il rappelle que lorsque les droits à congés payés expirent alors que le salarié est en arrêt maladie, le début de la période de report devra nécessairement être postérieur à la date de reprise du travail, ainsi qu’à celle où l’employeur aura dûment informé le salarié de ses droits.
Par ailleurs, si les congés payés sont acquis au cours de la période de maladie, la période de report de 15 mois telle que prévue par le Gouvernement pourra débuter à la fin de la période d’acquisition, si le salarié n’a pas repris le travail.
Il précise également qu’il sera possible de prévoir une extinction de ces congés à l’issue d’une période de 15 mois quand bien même l’employeur était dans l’impossibilité de prévenir le salarié.
Notez que si ces éléments permettent d’éclairer le gouvernement quant au projet de loi à venir, ils ne sont que provisoires et ne permettent pas, en l’état, d’apporter une réponse aux besoins opérationnels des entreprises…
La suite au prochaine épisode…
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Rupture conventionnelle : efficacité, efficacité, efficacité !

Un entretien (immédiatement) préalable à la signature de la rupture conventionnelle : c’est possible !
Pour mémoire, lorsque l’employeur et le salarié décident de conclure une rupture conventionnelle individuelle, ils doivent s’accorder sur le principe et les modalités de la rupture au cours d’un (ou plusieurs) entretien(s).
Une fois les modalités fixées, les parties formalisent leur accord en signant une convention de rupture.
Mais la loi reste muette quant à l’existence d’un délai devant s’écouler entre le dernier entretien et la signature de la convention…
Dans une récente affaire, un employeur et une salariée se rencontrent au cours d’un entretien afin de négocier une rupture conventionnelle individuelle du contrat de travail.
À la fin de cet entretien, et puisqu’ils sont d’accord sur toutes les modalités de la rupture, ils signent immédiatement la convention de rupture.
Après l’homologation de cette convention par l’autorité administrative, la salariée décide de saisir le juge en vue d’obtenir son annulation.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir le fait que la signature a eu lieu le même jour que l’entretien… Ce qui porte nécessairement atteinte à sa validité !
Ce que conteste l’employeur : d’abord, il rappelle que le consentement de la salariée est exempt de vice.
Ensuite, puisque les parties étaient d’accord sur les modalités de rupture le jour de l’entretien, rien n’interdit qu’ils puissent signer la convention le jour même de l’entretien.
Ce que confirme le juge, qui donne raison à l’employeur. Une convention de rupture conventionnelle individuelle peut tout à fait être signée le jour de l’entretien !
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C’est l’histoire d’un employeur… et d’un salarié à qui le médecin prescrit du télétravail…

À la suite d’une visite médicale, un salarié est déclaré apte à son poste, mais uniquement en télétravail. Il travaille donc pendant 15 mois depuis chez lui. Après la rupture de son contrat, il réclame à son ex-employeur une indemnité d’occupation de son domicile…
Parce qu’il était « médicalement » tenu d’exercer ses fonctions en télétravail, cette indemnité doit lui être versée pour compenser l’utilisation à des fins professionnelles de son logement pendant cette durée de 15 mois. Ce que réfute l’employeur : il rappelle que, par principe, le salarié ne peut pas prétendre à un tel dédommagement dans le cas où un local est mis à disposition à des fins professionnelles. Ce qui était le cas ici : il n’a donc pas à lui verser cette indemnité…
« Non ! », tranche le juge : la mise à disposition d’un local professionnel par l’employeur ne le dispense pas de devoir verser une indemnité d’occupation lorsque le salarié se voit prescrire du télétravail par le médecin pour des raisons médicales.
- Arrêt de la Cour d’Appel de Paris, du 21 décembre 2023, no 20/05912 (NP)
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Modalités de paiement de l’impôt : un choix (ir)révocable ?

Paiement des droits de succession : choisir, c’est renoncer…
Un homme décède, laissant pour lui succéder son épouse et leurs 2 fils. Pour rappel, lorsque les enfants sont tous communs au couple, le conjoint survivant a le droit de choisir entre :
- l’usufruit de la totalité de la succession, laissant aux enfants la nue-propriété ;
- un quart de la succession en pleine propriété.
Une personne ayant la pleine propriété d’un bien a le droit de l’utiliser, le louer, le détruire, le modifier, le vendre ou le donner. Quant à l’usufruit, il s’agit, schématiquement, des droits de profiter du bien et d’en tirer des fruits (les loyers notamment lorsqu’il est placé en location).
Dans cette affaire, l’épouse survivante choisit l’usufruit de la succession. Ces fils se partagent donc la nue-propriété. Se pose alors pour eux la question du paiement des droits de succession.
Pourquoi ? Parce qu’ils ont la possibilité d’aménager le paiement de l’impôt. Concrètement, ils ont le choix entre :
- 1re option : payer des droits de succession calculés sur la valeur de la nue-propriété, avec application d’intérêts ;
- 2e option : payer des droits de succession calculés sur la valeur de la pleine propriété, sans intérêt.
Les 2 fils choisissent la 2e option, ce que l’administration fiscale accepte… avant de changer d’avis ! Ils demandent, finalement, à bénéficier de la 1re option.
Ce que l’administration refuse : les 2 frères ont déjà fait un choix et il est irrévocable !
« Non ! », contestent les fils : la loi n’indique nulle part que le choix entre les 2 modalités de paiement est irrévocable !
« Irrévocable », confirme pourtant le juge, qui précise que cette règle n’est pas un avantage fiscal, mais une modalité de paiement de l’impôt. Par conséquent, ayant déjà fait un choix, les 2 fils ne peuvent pas changer d’avis !
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IA Act : une nouvelle étape est passée…

Intelligence artificielle : l’IA Act arrive !
En décembre 2023, les États membres de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord sur le contenu de l’IA Act, texte destiné à encadrer l’intelligence artificielle (IA) en son sein.
Ce texte prévoit d’interdire l’usage de l’IA dans certaines situations : ce sera le cas, par exemple, de la reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement, de la notation sociale, de la police prédictive (lorsqu’elle est basée uniquement sur le profilage d’une personne ou sur l’évaluation de ses caractéristiques) ou encore de la manipulation du comportement humain ou de l’exploitation des vulnérabilités des personnes.
Notez que si l’utilisation des systèmes d’identification biométrique par les services répressifs est en principe interdite, des exceptions ont toutefois été mises en place.
Ainsi, des systèmes d’identification biométrique « en temps réel » pourront être déployés à condition que des garanties strictes soient respectées. Leur utilisation sera, par exemple, limitée dans le temps et dans l’espace, et soumise à une autorisation judiciaire ou administrative préalable spécifique.
Après les catégories d’IA interdites, vient la catégorie des IA à haut risque (en raison du préjudice potentiel qu’elles peuvent représenter pour la santé, la sécurité, les droits fondamentaux, l’environnement, la démocratie et l’État de droit).
Parmi les domaines d’utilisation à haut risque de l’IA, il est possible de citer les infrastructures critiques, l’éducation et la formation professionnelle, l’emploi, les services privés et publics essentiels (par exemple, les soins de santé et les banques), etc.
Pour ces IA, une évaluation et une réduction des risques devront avoir lieu, et elles devront être accompagnées de registres d’utilisation. Des obligations de transparence devront être respectées et une supervision humaine sera obligatoire. Les citoyens pourront déposer une plainte et recevoir des explications sur les décisions basées sur ces IA à haut risque lorsqu’elles auront une incidence sur leurs droits.
Une autre catégorie d’IA sont les IA à usage général (connues sous le nom « d’IA génératives ») : elles devront respecter des exigences de transparence et la réglementation sur les droits d’auteurs. Des résumés détaillés des contenus utilisés pour leur entraînement devront être publiés.
Notez que les IA à usage général les plus puissantes devront respecter des exigences supplémentaires. Par exemple, des évaluations de modèles devront être effectuées, les risques systémiques devront être évalués et atténués et les incidents devront être signalés.
De plus, les images et les contenus audio et vidéo artificiels ou manipulés (« deep fakes ») devront être clairement signalés comme tels.
Par ailleurs, sachez que des « bacs à sable réglementaires » vont voir le jour pour soutenir l’innovation. Pour rappel, ce dispositif permet aux acteurs de tester leur technologie ou service innovant sans devoir nécessairement respecter l’ensemble du cadre réglementaire qui devrait normalement s’appliquer.
Notez que l’IA Act sera définitivement adopté avant la fin de la législature européenne actuelle (les prochaines élections étant fixées au 9 juin 2024).
Il entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel et sera pleinement applicable 24 mois après son entrée en vigueur, à l’exception :
- des dispositions relatives aux pratiques interdites, qui s’appliqueront 6 mois après la date d’entrée en vigueur ;
- des codes de pratique, qui s’appliqueront 9 mois après l’entrée en vigueur ;
- des règles concernant l’IA à usage général, qui s’appliqueront 12 mois après l’entrée en vigueur ;
- des obligations pour les systèmes à haut risque qui s’appliqueront 36 mois après l’entrée en vigueur.
Affaire à suivre…