Départ volontaire à la retraite : des reproches à faire ?
Départ volontaire à la retraite : pas de requalification sans reproche !
Un salarié habituellement lié par plusieurs contrats de mission à une entreprise utilisatrice fait connaître à son employeur, par courrier, son souhait de partir à la retraite avant le terme prévu.
Après son départ, il obtient du juge la requalification de l’ensemble de ses contrats de mission en un seul CDI et, par la même occasion, lui demande de considérer que la rupture de son contrat de travail procède d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d’un départ volontaire à la retraite.
Il considère, en effet, qu’il n’a fait valoir ses droits à la retraite que postérieurement à la rupture de son contrat. En d’autres termes, son contrat a été rompu avant le terme normalement prévu et sans respecter la procédure de licenciement.
Par conséquent, la rupture de son contrat est en réalité due à un licenciement irrégulier dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ce que conteste l’employeur : dans la lettre notifiant son départ à la retraite, le salarié ne mentionne, à son égard, aucun reproche qui aurait motivé son départ avant le terme normal du contrat de mission.
Ce que constate aussi le juge, qui donne raison à l’employeur.
Dès lors que le salarié indique clairement et sans équivoque qu’il souhaite partir à la retraite sans imputer le moindre manquement à son employeur, il ne peut pas ensuite se prévaloir d’une rupture du contrat aux torts exclusifs de l’employeur.
Le contrat de travail s’est donc achevé au jour de la notification par le salarié de son souhait clair et non équivoque de partir à la retraite.
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Réforme des retraites : un frein à la transmission d’entreprise ?
Réforme des retraites et transmission d’entreprise : une tolérance
La réforme des retraites, publiée en avril 2023, est venue allonger l’âge légal de départ à la retraite (qui passe à 64 ans) et porter à 172 trimestres la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Un changement important qui peut poser problème à certains dirigeants souhaitant transmettre leur entreprise et prendre leur retraite…
Pour mémoire, il existe plusieurs dispositifs de faveur qui, toutes conditions remplies, permettent aux dirigeants souhaitant partir à la retraite d’atténuer le coût fiscal de la transmission de leur entreprise :
- un abattement fixe de 500 000 € applicable aux gains de cessions de titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés réalisés jusqu’au 31 décembre 2024 par des dirigeants de PME ;
- une exonération d’impôt applicable au gain réalisé lors de la cession d’une entreprise individuelle dans le cadre de la cessation d’une activité professionnelle.
Le bénéfice de l’abattement de 500 000 € suppose, notamment, que le dirigeant fasse valoir ses droits à la retraite dans les 2 années qui suivent ou qui précèdent la cession.
Quant à l’exonération, elle ne profite qu’aux dirigeants qui cessent toute fonction dans l’entreprise transmise et qui font valoir leurs droits à la retraite dans les 2 années suivant ou précédant la cession.
Quid alors du rapport entre l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite et ces dispositifs fiscaux de faveur ?
Une sénatrice a justement mis le doigt sur le nœud du problème. Du fait du report de l’âge légal de départ à la retraite, certains dirigeants, qui anticipaient un départ en retraite dans les 2 ans de la cession de leurs titres ou de leur entreprise, pourraient :
- soit perdre le bénéfice de l’abattement ou de l’exonération ;
- soit devoir partir à la retraite dans des conditions dégradées pour conserver le bénéfice de ces avantages fiscaux.
Une situation inacceptable pour le Gouvernement, qui annonce la mise en place d’une tolérance.
Ainsi, dès lors que toutes les autres conditions requises pour bénéficier de ces avantages fiscaux sont réunies, le bénéfice de l’abattement ou de l’exonération ne sera pas remis en cause à l’égard des dirigeants :
- ayant déjà cédé les titres de leur entreprise à la date de la promulgation de la réforme des retraites (soit le 14 avril 2023) ;
- qui, dans le délai de 2 ans suivant cette cession auraient atteint l’âge légal de départ en retraite applicable antérieurement à la réforme ;
- et qui seront effectivement partis à la retraite à l’âge légal relevé par la réforme.
Notez que la documentation de l’administration fiscale devrait prochainement être mise à jour en ce sens. Affaire à suivre…
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Handicap : un guide relatif au « contrat d’apprentissage aménagé »
Le contrat d’apprentissage aménagé, qu’est-ce que c’est ?
Pour rappel, l’apprentissage permet d’obtenir la délivrance d’un titre ou d’un diplôme inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) à la suite d’un parcours de formation associant des périodes de formation pratique auprès d’un employeur et des périodes d’enseignement en centre de formation d’apprentis (CFA).
Le contrat d’apprentissage aménagé est accessible dès l’âge de 16 ans (sans limite d’âge maximal) et concerne les apprentis bénéficiaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Sur ce point, le Gouvernement vient tout juste de publier le « Guide apprentissage et handicap », qui précise que la RQTH peut être obtenue à tout moment, même si le contrat et la formation ont déjà débuté.
Toutefois, si la RQTH est obtenue au cours de l’exécution du contrat, il faudra penser à :
- conclure un avenant au contrat d’apprentissage, afin de mentionner l’obtention de la RQTH et les éventuelles conséquences sur le déroulement du contrat (augmentation de la durée de la formation par exemple) ;
- conclure un avenant à la convention de formation pour intégrer les conséquences financières relatives à la mise en place d’un parcours adapté d’apprentissage ;
- modifier l’accord de prise en charge de l’opérateur de compétences.
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Visite médicale à la demande du salarié : comment faire sans « carence notifiée » de l’employeur ?
La « carence notifiée » de l’employeur est toujours requise…
Au-delà des visites médicales impérativement prévues par la loi, tout salarié peut demander le bénéfice d’un examen médical auprès des services de santé compétents.
Dans ce cas, il doit commencer par formuler cette demande à son employeur, qui doit ensuite prendre attache avec les services de santé.
Il existe toutefois une exception qui permet au salarié de prendre directement rendez-vous avec les services de santé : celle de la carence notifiée de l’employeur.
Sauf qu’en pratique, cette carence de l’employeur est rarement notifiée au salarié… L’exception prévue par la loi est donc difficilement applicable…
Partant de ce constat, un sénateur interpelle le Gouvernement et lui demande la suspension de cette condition de « carence notifiée ».
Interrogé, le Gouvernement rappelle d’abord que, légalement :
- cette demande de visite ne peut fonder aucune sanction disciplinaire ;
- la visite peut avoir lieu sur les heures de travail et doit être rémunérée comme tel.
Toutefois, il précise que cette mesure est issue d’une délibération avec les partenaires sociaux pour renforcer la prévention en santé au travail.
La difficulté soulevée doit donc être examinée collégialement par le ministre du Travail en lien avec les partenaires sociaux.
Affaire à suivre donc…
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Arnaques en ligne : le nouveau guide de la Task-Force nationale
S’informer et se préparer contre les arnaques en ligne !
Imaginée en 2020, la Task-Force nationale de lutte contre les arnaques avait pour mission de faire face à l’importante augmentation des escroqueries en ligne au moment de la crise de la Covid-19.
Face au constat de la continuité des arnaques en ligne, celle-ci a été pérennisée.
Dirigée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), elle voit collaborer plusieurs ministères (Intérieur, Économie et Finances, Justice, etc.) et plusieurs autorités administratives, telles que l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), pour mettre en commun leurs compétences et efforts dans la lutte contre les arnaques en lignes.
Pour permettre à tous de s’informer, la Task-Force publie un guide détaillant en 16 fiches les arnaques les plus communes, dont :
- les arnaques au compte personnel de formation (CPF) ;
- les escroqueries à l’encaissement de chèques ;
- les usurpations d’identités de professionnels ;
- les pratiques abusives du dropshipping.
Dans chacune de ces fiches, la Task-Force informe sur les pratiques en question, sur comment les identifier et sur l’attitude à adopter lorsqu’on en est victime.
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Marché de l’assurance en outre-mer : « Quand t’es dans le désert » !
Comment soutenir le marché assurantiel en outre-mer ?
Un député a fait remarquer l’existence d’un désert assurantiel en outre-mer, ce qui force les populations ultramarines soit à abandonner leur projet, faute d’assurance, soit à souscrire une assurance en métropole, ce qui occasionne des coûts supplémentaires et des difficultés administratives.
Une situation dont le Gouvernement a bien conscience… Ce qui ne l’empêche pas de préciser que la multiplication des aléas climatiques peut toutefois conduire à rendre plus difficilement assurable certains risques.
Il indique avoir d’ailleurs missionné des experts pour évaluer l’ampleur des évolutions du système assurantiel à prévoir pour l’adapter au changement climatique. Des experts qui vont également se pencher sur la question de l’assurance des risques climatiques en outre-mer.
Au-delà de ces considérations, le Gouvernement rappelle que la fixation des prix des produits d'assurance est libre et qu’il existe un principe de libre installation. Il ne peut donc pas directement intervenir sur ces points.
Enfin, la problématique spécifique de l’absence d’assurance pour les activités nautiques donne lieu à l’explication suivante de la part du Gouvernement : le principal frein avancé par les assureurs est le non-respect des règles de sécurité par les professionnels.
Afin de faciliter la souscription d'une assurance, il appelle donc les exploitants d’activité nautique à être le plus transparent possible vis-à-vis de leur assureur, en leur communiquant des rapports de sécurité exhaustifs.
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Licenciement économique : la cessation d’activité est-elle suffisante ?
Cessation totale d’activité et licenciement économique : rappel du juge…
Une société, qui fait partie d’un groupe de sociétés, transfère une partie de son activité à l’une des filiales de ce groupe, licencie pour motif économique ses salariés et cesse définitivement son activité.
Une situation contestée par certains, qui rappellent :
- que les licenciements ont eu lieu alors que la cessation complète et définitive d’activité de la société n’était pas encore effective ;
- qu’une autre société du groupe a poursuivi une activité de même nature que la société en cessation, en prenant en charge l’exploitation de certains produits pharmaceutiques de cette société.
Par conséquent, le motif économique n’étant pas suffisamment établi, les licenciements prononcés sont sans cause réelle et sérieuse.
« Absolument pas ! », conteste l’employeur, qui rappelle d’abord que la cessation d'activité complète et définitive de la société constitue en soi un motif économique de licenciement, et ce qu'elle soit déjà effective au moment du licenciement ou qu'elle soit irrémédiablement engagée et intervienne dans un délai proche du licenciement.
Ensuite, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'employeur soit regardée comme totale et définitive.
« Tout à fait ! » confirme le juge qui, partageant les arguments de l’employeur, précise que dès lors que la cessation d'activité était irrémédiablement engagée au moment des licenciements, le maintien d'une activité, nécessaire à l'achèvement de l'exploitation de certains produits avant leur cession, ne caractérise pas une poursuite d'activité.
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CNIL : les données des salariés sont aussi protégées !
RGPD : ne pas oubliez les données internes à l’entreprise
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est l’autorité administrative chargée en France de la protection des données à caractère personnel des particuliers en s’assurant de la bonne application des réglementations, telles que le règlement général sur la protection des données (RGPD) ou la loi informatique et libertés.
Une décision récente de la CNIL rappelle que les entreprises doivent apporter un soin tout particulier aux données personnelles de leurs clients, mais également de leurs salariés.
Dans cette affaire, la commission a été saisie par le salarié d’une société de fret aérien concernant une procédure de recrutement interne à l’occasion de laquelle une collecte de données personnelles a été effectuée.
Au cours du contrôle, la CNIL a mis en évidence plusieurs manquements, notamment une collecte de données excessive. La société posait en effet des questions aux salariés concernant les membres de leur famille… Des informations sans lien avec le recrutement qui contrevenaient donc au principe de minimisation des données collectées.
De plus, la collecte de données sensibles a également été mise en évidence, du fait de questions relatives, notamment, à des données biométriques, à l’appartenance ethnique, ou à l’affiliation politique.
Une situation d’autant plus aggravée lorsque la CNIL demande à la société de lui fournir une traduction du formulaire de collecte communiqué aux salariés, celui-ci étant rédigé en chinois.
La CNIL faisant procéder de son coté à une traduction s’aperçoit que le document traduit fourni par la société omettait certaines des questions les plus sensibles. Ce qui a conduit la commission à alourdir la sanction infligée à la société pour manquement à son obligation de coopération.
Pour l’ensemble de ces faits, une amende d’un montant de 200 000 € est prononcée.
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Personnalité morale d’une société : survit-elle à la dissolution ?
Dissolution de société et personnalité morale : une exception à connaître
Dans une affaire portée récemment devant le juge, une société acquiert un droit au bail portant sur un local commercial. Quelques années après, elle donne congé et quitte les lieux.
Pour mémoire, le droit au bail est un droit permettant au locataire d’occuper un local. Il peut être cédé soit dans le cadre de la vente du fonds de commerce, soit seul, sans vente du fonds. Lorsque la cession du droit au bail est effectuée, le nouveau locataire remplace le locataire initial pour la durée restant à courir dans le bail.
Ici, plus d’un an après avoir quitté les lieux, la société fait l’objet d’une dissolution amiable.
Convoquée devant le juge par les propriétaires du local commercial, elle est condamnée à payer à ces derniers certaines sommes au titre de loyers et de charges impayés et de frais de remise en état du local.
Par la suite, la société est radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS).
En tout état de cause, la condamnation est inacceptable, estime la société, qui décide alors de faire appel…
« Impossible ! », selon les propriétaires : sa dissolution et sa radiation du RCS l’ont rendu légalement inexistante ! En d’autres termes, ayant perdu sa personnalité morale, elle ne peut plus agir en justice.
La personnalité morale représente l’existence d’une société en tant que personne et s’acquiert dès l’immatriculation au RCS : elle lui confère la capacité juridique, qui lui permet de posséder des biens, de passer des contrats ou d’agir en justice.
« Possible ! », selon la société : la personnalité morale d’une société, certes dissoute, subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Elle doit donc pouvoir faire appel de cette décision !
Un avis que partage le juge : la demande formée à son encontre, notamment en vue d’obtenir des sommes au titre des loyers et charges impayés, révèle bien que les droits et obligations nés du contrat de bail étaient susceptibles de ne pas avoir été intégralement liquidés…
Par conséquent, la personnalité morale de la société subsiste temporairement, en dépit de sa radiation au RCS. Elle peut donc faire appel !
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Qualification différente = rémunération différente ?
Une différence de qualification n’est pas suffisante pour justifier, à terme, une différence de rémunération
Un salarié est embauché en qualité d’« assistant journaliste reporter d’images stagiaire », puis est promu en qualité de « journaliste reporter d’images », avant d’être nommé chef de service.
En conflit avec son employeur, il prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit le juge pour demander notamment un rappel de salaire.
Pourquoi ? Parce que pendant près d’un an, il a perçu une rémunération inférieure à celle de l’un de ses collègues, également « journaliste reporter d’images ».
« Et alors ? », s’interroge l’employeur. Pour lui, cette différence de rémunération entre les 2 salariés est parfaitement justifiée, étant donné qu’ils n’avaient pas les mêmes qualifications ni la même expérience professionnelle lors de leur embauche.
Saisi du litige, le juge rappelle qu’une différence de traitement entre salariés ne peut se justifier que par des raisons objectives et pertinentes. C’est le principe d’égalité de traitement.
Or pour lui, la différence de qualification des salariés lors de leur embauche n’est pas une raison objective et pertinente justifiant la disparité de traitement pendant une année.
