Rectification des bulletins de paie : systématique ?
Faut-il justifier d’un préjudice pour obtenir un bulletin de paie corrigé ?
2 salariés demandent à leur employeur de leur remettre des bulletins de paie rectifiés sur une période de 7 ans. Ils déplorent en effet l’absence de distinction entre leur salaire de base et leurs avantages individuels acquis.
Mais l’employeur refuse : les salariés ne justifient d’aucun intérêt à voir rectifiés leurs bulletins de paie, d’autant que cette réécriture ne leur ouvrirait pas le droit à un rappel de salaire.
Mais le juge rappelle qu’il n’est pas nécessaire de justifier d’un préjudice pour obtenir les bulletins de paie rectifiés, conformément aux droits des salariés concernés.
Source : Arrêts de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 juin 2016, n°14-17132 et 14-17133
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Comportement « inapproprié » d’un salarié = faute grave ?
Faute grave = maintien impossible dans l’entreprise
Un salarié est licencié pour faute grave après 6 ans de service auprès de son entreprise. Son employeur lui reproche d’avoir mis en danger un collègue, le blessant alors qu’il démarrait brutalement son véhicule.
Et parce que tous les salariés sont tenus de prendre à la fois soin d’eux-mêmes mais aussi des autres, un tel comportement justifie, selon l’employeur, un licenciement pour faute grave. Or, le salarié précise que s’il a, en effet, sous le coup de la colère, brutalement démarré son véhicule dont la portière s’est refermée sur le bras de son collègue, celui-ci n’a souffert que d’un léger hématome ne justifiant pas un arrêt de travail. Pour lui, la faute grave n’est donc pas caractérisée.
Et c’est ce que confirme le juge : un incident isolé dans la carrière du salarié, qui n’a pas eu de comportement volontairement violent, qui n’a occasionné aucun arrêt de travail ne justifie pas une sanction aussi sévère que le licenciement. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 juin 2016, n° 14-28376
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Travail de jour ou travail de nuit : un contrat de travail précis !
Modification d’un élément essentiel = modification du contrat de travail
Une entreprise exerce une activité continue, ce qui impose la présence de salariés dans ses locaux à tout moment de la journée. Certains salariés, affectés à des postes de jour, ont sollicité une réorganisation des cycles de travail : ils réclament la possibilité de travailler aussi de nuit pour leur permettre de bénéficier d’une majoration de salaire liée au travail de nuit.
Cependant, les salariés affectés aux postes de nuit contestent cette réorganisation puisqu’ils se retrouveront parfois à travailler de jour. Ce qui entraîne mécaniquement une baisse de leur majoration de salaire liée au travail de nuit. Pour eux, cette réorganisation des cycles de travail entraîne une modification de leur contrat de travail. Ils doivent donc donner leur accord pour que leurs horaires soient modifiés de manière à les affecter, même partiellement, à des postes de jour.
Ce à quoi l’employeur répond que tous les contrats de travail des salariés prévoient qu’ils peuvent être amenés à travailler de nuit ou de jour. Cette réorganisation est donc réalisée dans le cadre de son pouvoir de direction.
Mais le juge se range du côté des salariés : le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification du contrat de travail, soumise à acceptation des salariés concernés. La clause de leur contrat de travail prévoyant que les salariés sont engagés pour travailler de jour ou de nuit est inopérante.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 juin 2016, n° 14-27120
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Notification du licenciement : un signataire identifiable !
Possible vérification du pouvoir de l’auteur du licenciement
Une association licencie une salariée pour faute grave, après une mise à pied conservatoire. Cependant, la salariée conteste cette décision car elle ne parvient pas à identifier la personne qui a signé sa lettre de licenciement.
Elle indique que le courrier porte la mention « le responsable », sans préciser son nom, et que la signature est illisible. Mais l’employeur répond que la procédure avait été menée à terme, que tous les documents (lettre de mise à pied, convocation à entretien préalable et notification) étaient signés par le responsable, c’est-à-dire le directeur de l’association. Il estime donc que la procédure est régulière.
Ce qui ne convainc pas le juge : la signature illisible et la mention « le responsable » ne permettent pas de vérifier que l’auteur du courrier avait le pouvoir de licencier. De ce fait, le licenciement prononcé par une personne non identifiable est sans cause réelle et sérieuse.
Dans cette affaire, l’employeur doit finalement verser à la salariée 5184,74 € au titre des dommages-intérêts, de l’indemnité de licenciement, assortie de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de congés payés y afférant.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 juin 2016, n° 14-27154
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Remise tardive de l’attestation Pôle emploi = une indemnisation systématique ?
Dommages-intérêts = indemnisation d’un préjudice
Un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et agit en justice pour que sa prise d’acte soit qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir des dommages-intérêts suite à la remise tardive de son attestation Pôle Emploi.
Le salarié considère, en effet, que la remise tardive de ce document lui cause nécessairement un préjudice, donnant automatiquement lieu à indemnisation. Mais l’employeur conteste : il estime que la prise d’acte n’est pas justifiée et qu’elle doit produire les effets d’une démission, celle-ci n’ouvrant aucun droit à indemnisation par l’assurance chômage. De ce fait, aucune indemnisation ne saurait découler, selon lui, de la remise tardive de l’attestation Pôle Emploi.
Et le juge confirme la position de l’employeur : les manquements reprochés par le salarié à son employeur ne sont pas suffisamment graves pour que la prise d’acte s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié est donc considéré comme démissionnaire et ne pourra pas prétendre à aucune allocation chômage.
Vers une généralisation du principe
Cette décision s’inscrit dans la continuité de décisions récentes qui semblaient déjà remettre en cause le principe selon lequel certains manquements de l’employeur étaient de nature à causer nécessairement un préjudice au salarié, systématiquement indemnisable.
Désormais, que ce soit pour la remise tardive des documents de fin de contrat, le défaut de mention de la convention collective dans le bulletin de paie ou l’absence de contrepartie financière d’une clause de non-concurrence, le salarié doit impérativement justifier d’un préjudice s’il espère obtenir une quelconque indemnisation.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 juin 2016, n° 15-15982
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Démission « équivoque » ou prise d’acte : des indemnités à prévoir ?
Prise d’acte justifiée = indemnité pour irrégularité de procédure de licenciement
Une salariée donne sa démission à son employeur. Dans sa lettre, elle lui reproche de lui verser un salaire inférieur au SMIC. Pour l’employeur, la rémunération se justifie par une embauche sous contrat de professionnalisation. Cependant, la salariée prétend n’avoir jamais signé de contrat de professionnalisation et demande à ce que sa démission soit assimilée à une prise d’acte et donc à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce que l’employeur refuse : il estime que les manquements reprochés n’en sont pas parce que la salariée a été embauchée dans le cadre d’un contrat de professionnalisation. Il considère donc que la démission de la salariée ne peut donc pas constituer un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, le juge retient que faute d’un contrat de professionnalisation signé, le contrat qui lie l’employeur à la salariée est un CDI à temps complet, dont la rémunération minimale est au moins égale au SMIC. Le défaut de versement de ce salaire constitue donc un manquement grave de l’employeur, justifiant une prise d’acte. De ce fait, il doit verser, outre les indemnités de préavis et de congés payés y afférant, une indemnité d’un mois de salaire pour irrégularité de la procédure de licenciement (pas d’indemnité de licenciement du fait de la faible ancienneté de la salariée).
Retenez qu’une démission motivée par des manquements établis de l’employeur s'analyse en une prise d'acte du salarié et donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 juin 2016, n° 14-20376
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Signalement de faits pouvant caractériser un harcèlement : réagissez !
Souffrance au travail : un diagnostic s’impose !
Un salarié informe son employeur, par le biais de son avocat, qu’il subit un harcèlement moral ayant conduit à un arrêt de travail. Il lui demande donc de déclarer l’accident de travail. L’employeur n’y donnant pas suite, le salarié agit en justice pour être indemnisé : il estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Ce que conteste l’employeur, qui considère que le salarié doit apporter la preuve des faits qui lui permettent d’établir l’existence d’un harcèlement. Mais le salarié rappelle qu’il a non seulement alerté l’employeur sur cette situation, mais qu’il a rempli le formulaire de déclaration d’accident de travail, face à la passivité de son employeur. Par ailleurs, la Sécurité sociale a reconnu le caractère professionnel de son accident, ce qui prouve, selon lui, l’existence d’un harcèlement et, par conséquent, le manquement de son employeur à son obligation de sécurité.
Et le juge donne raison au salarié : l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, celui-ci étant resté inactif, sans jamais effectuer de diagnostic quant à la situation signalée mais sans justifier non plus son absence de réponse aux demandes de déclaration d’accident du travail.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 14 juin 2016, n° 14-28872
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Aménagement du temps de travail sur l’année : une influence des grèves ?
Aménagement du temps de travail sur l’année : que dit votre accord collectif ?
Une entreprise a négocié un accord collectif lui permettant d’aménager le temps de travail de ses salariés sur l’année sur la base de 1607 heures et de lisser leur rémunération sur la base de 35 heures par semaine. Cela implique des périodes de faible activité, pendant lesquelles les salariés travaillent moins de 35 heures par semaine, et des périodes de forte activité, pendant lesquelles ils travaillent plus de 35 heures.
Pendant une période de forte activité, alors qu’ils devaient travailler respectivement 38 heures et demie et 40 heures, 2 salariés se sont mis en grève après leur 35ème heure hebdomadaire. Ce mois-ci, l’employeur a donc déduit de leur rémunération 3h30 pour l’un et 5 heures pour l’autre.
Mais les salariés contestent cette déduction : selon eux, en procédant ainsi, l’employeur diffère les heures retenues, leur imposant de récupérer les heures manquantes plus tard sur l’année. Ils estiment que l’employeur porte ainsi atteinte à l’exercice de leur droit de grève.
Mais le juge valide la position de l’employeur : l’accord collectif qui aménage la durée du travail prévoit un compteur d’aménagement des heures portant au crédit les heures effectuées au-delà de 35 heures par semaines et au débit, les heures en-deçà de 35 heures par semaine. Il prévoit également que les retenues opérées en cas de grève portent sur le montant de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé. Les dispositions conventionnelles ne font pas obstacle au droit de grève.
Source : Arrêts de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 juin 2016, n° 14-28128 et n° 14-28129
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« 12 dimanches du maire » : toutes les villes concernées ?
Des dimanches du maire, et non pas des dimanches du Préfet !
Depuis le 1er janvier 2016, les commerces de détails peuvent ouvrir jusqu’à 12 dimanches sur décision du Maire de la commune, ou du Préfet pour la ville de Paris. Auparavant, cette ouverture dominicale était possible mais limitée à 9 dimanches par an.
Désormais, seuls les Maires pourront décider des 12 dimanches d’ouverture. Le Préfet de Paris n’a donc plus à se prononcer sur ce sujet : le Conseil Constitutionnel vient de décider que cette distinction entre Paris et les autres villes ne reposait sur aucun critère objectif.
Source : Décision du Conseil Constitutionnel n° 2016-547, QPC du 24 juin 2016
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Un nouveau cas de discrimination
Pas de discrimination en raison de la précarité sociale !
Il est connu qu’il est interdit de refuser l’embauche d’une personne, de lui empêcher l’accès à une formation ou à une évolution professionnelle ou salariale, ou de la licencier sur des critères liés à son origine, son sexe, son âge, son handicap, ses convictions religieuses ou ses opinions politiques.
Mais la liste des critères de discrimination ne s’arrête pas là ! Aucune mesure ne peut aussi être prise contre une personne en raison de :
- ses mœurs ;
- son orientation ou son identité sexuelle ;
- sa situation de famille ou sa grossesse ;
- ses caractéristiques génétiques ;
- son appartenance ou non (vraie ou supposée) à une ethnie, une nation ou une race ;
- ses activités syndicales ou mutualistes ;
- son apparence physique ;
- son nom de famille ;
- son état de santé ;
- son lieu de résidence ;
- sa perte d’autonomie ;
- son engagement dans une PMA.
Désormais, depuis le 26 juin 2016, sont également discriminatoires, et donc interdites, les décisions prises en raison de la particulière vulnérabilité économique (apparente ou connue). Cette mesure vise à protéger les personnes en situation de pauvreté ou de précarité sociale.
Rappelons que si une entreprise prend une décision sur des critères discriminatoires, elle s’expose à des sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende au maximum) mais également à la nullité de cette décision.
- Loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale
