Modification du travail = modification du « contrat » de travail ?
Quelles sont les fonctions réellement exercées ?
Un syndicat emploie un salarié en tant que responsable du service formation et juridique. Petit à petit, il réorganise son service et allège le salarié de certaines tâches, et notamment de l'établissement des paies et des déclarations sociales correspondantes. L’employeur lui retire ensuite son autorité hiérarchique sur le personnel, puis ses fonctions de responsable juridique.
Pour le salarié, le retrait de ces tâches et fonctions constitue une modification de son contrat de travail. L’employeur aurait donc dû solliciter son accord et ne pouvait pas, unilatéralement, décider de le destituer de ces tâches. Mais l’employeur s’en défend en arguant que ces fonctions n’étaient pas prévues dans son contrat de travail.
Le juge rappelle qu’il faut s’attacher aux fonctions et aux responsabilités réellement exercées par le salarié pour établir si leur modification porte sur un élément essentiel du contrat de travail ou uniquement sur les conditions de travail. Il donne raison au salarié dans cette affaire…
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 mai 2016, n° 14-26298
Comment se calcule l’indemnité de requalification du contrat d’intérim en CDI ?
Il faut tenir compte du salaire… et de ses accessoires !
Un salarié obtient la requalification de son contrat d’intérim en CDI : son contrat visait, en effet, à pourvoir un emploi permanent de l’entreprise utilisatrice. Il réclame donc une indemnité de requalification, qui conformément à la Loi, ne doit pas être inférieure à 1 mois de salaire.
Pour l’employeur, l’indemnité est calculée sur la base du dernier salaire versé. Il exclut de ce calcul les indemnités de déplacement et les indemnités d’outillage qui ont pu être versées au salarié.
Mais le calcul est erroné, souligne le juge ! L’indemnité doit être calculée à la fois sur le salaire de base et ses accessoires. Les différentes indemnités versées au salarié doivent donc être prises en compte.
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, 3 mai 2016, n° 14-29739
Privé de permis de conduire = privé de travail ?
Le retrait de permis entraîne-t-il une désorganisation de l’entreprise ?
Le permis de conduire d’un salarié est suspendu pour conduite en état d’ivresse. Apprenant cela, son employeur décide de le licencier : bien que son permis lui ait été retiré en dehors de son temps de travail, ce retrait empêche le salarié d’exécuter sa tâche de conduite de livraison.
Cependant, le salarié conteste ce licenciement puisque son activité lui permet d’exercer des tâches sédentaires, notamment la préparation de commandes et le chargement/déchargement des camions. La suspension de son permis n’empêche pas qu’il exécute ces tâches sédentaires, estime-t-il.
Et il a raison ! Le juge rappelle que si la suspension provisoire de son permis de conduire n'empêche pas le salarié de poursuivre l’exécution de ses fonctions, un licenciement justifié par cette suspension est sans cause réelle et sérieuse.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 avril 2016, n° 15-12533
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Redressement Urssaf sur la base de renseignements fournis par un tiers : impossible ?
Le contrôle URSSAF est soumis à une procédure stricte !
Une société d’édition et de production musicale reçoit, le 18 janvier 2008, une lettre d’observations de l’URSSAF lui précisant qu’elle peut faire l’objet d’un redressement. L’entreprise répond aux observations de l’URSSAF, mais n’échappera pas à un redressement de ses cotisations sociales.
L’entreprise conteste le redressement de l’URSSAF : elle n’a pas été préalablement informée du contrôle. L’URSSAF a obtenu les renseignements qui justifient le redressement auprès d’un tiers, en l’occurrence l’AGESSA (organisme de sécurité sociale des auteurs).
Le juge donne raison à la société contrôlée : les renseignements obtenus auprès de l’AGESSA, le 23 octobre 2007 (alors que l’entreprise n’était pas informée du contrôle) et le 18 mars 2008, ne peuvent servir au redressement imposé par l’URSSAF.
Sachez que l’URSSAF dispose d’un droit de communication depuis le 22 décembre 2007 (2 mois après les premiers renseignements recueillis par l’organisme de recouvrement, dans cette affaire). Mais la Loi encadre ce dispositif de manière très précise.
Tout d’abord, lorsqu’une entreprise est contrôlée, elle reçoit impérativement un avis de contrôle par lettre recommandée avec accusé de réception. A l’occasion du contrôle, l’employeur devra fournir à l’inspecteur les documents demandés et nécessaires à son contrôle.
Ce n’est que si l’entreprise ne fournit pas tout ou partie des éléments demandés que l’administration pourra ensuite user de son droit de communication. Plus exactement, elle pourra utiliser cette prérogative si :
- les éléments relevés en comptabilité sont insuffisants et que les informations recueillies auprès d’autres organismes ou administrations ne permettent pas de lever une incertitude ;
- l’entreprise refuse de fournir les informations ou documents nécessaires à son contrôle ou s’il existe un doute sur la validité ou l’authenticité des pièces fournies ou des contradictions entre ces pièces et les éléments du dossier.
Notez que l’employeur soupçonné de travail dissimulé n’aura connaissance d’aucune action de l’URSSAF.
Pour conclure, le redressement a été annulé, dans cette affaire, car le contrôle n’a pas été opéré de manière réglementaire. L’inspecteur chargé du recouvrement a recherché par lui-même les informations qui justifiaient le redressement. De son côté, la société n’a pas été informée de l’existence du contrôle et n’a pas pu fournir, de manière volontaire, les pièces qui auraient pu être utiles à l’organisme de recouvrement.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, deuxième chambre civile, du 31 mars 2016, n° 15-14683
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TESE : embauche en CDD requalifiée en CDI !
Faut-il un contrat de travail écrit ?
Une entreprise recourt au Titre Emploi Service Entreprise (TESE) pour embaucher un salarié, pour plusieurs CDD. Aucun contrat de travail écrit n’est signé mais le TESE est réputé satisfaire aux obligations liées à l’établissement du contrat de travail. Pourtant, à l’issue de son dernier contrat, le salarié agit en requalification de ses CDD en CDI.
Le salarié rappelle que l’employeur est tenu d’adresser le volet d’identification du salarié au centre national de traitement du TESE, au plus tard le dernier jour ouvrable précédant la date de prise d’effet du contrat. L’employeur doit en adresser une copie sans délai au salarié. Il estime donc que l’employeur aurait dû lui adresser ce document, au plus tard le jour de l’envoi au centre de traitement.
Et le juge reconnaît, en effet, que la transmission tardive de ce document au salarié (ou l’absence de transmission) entraîne la requalification du CDD en CDI.
Notez bien que si les textes ne vous imposent pas de délai précis pour transférer la copie du volet d’identification du salarié à votre collaborateur, vous ne devez cependant pas tarder à le faire. Une clarification de cette notion de remise tardive serait la bienvenue…
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 mai 2016, n° 14-29317
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Outre-mer : une exonération de charges sous conditions ?
Un système d’exonération dégressif
Le système d’exonération de cotisations sociales est dégressif. Le montant de l’exonération de cotisations sociales dépend du coefficient appliqué au revenu mensuel brut du salarié. Le calcul de ce coefficient va dépendre de la situation de l’employeur et de son éligibilité au CICE.
Le coefficient est déterminé selon les formules suivantes :
- pour une entreprise de moins de 11 salariés éligibles au CICE :
T/0,7 x (2,3 x SMIC horaire x 1,4 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,4) ;
- pour une entreprise de moins de 11 salariés non éligibles au CICE :
T x (3 x SMIC horaire x 1,4 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,4) ;
- pour une entreprise qui bénéficie de l’exonération du fait de son secteur d’activité, éligible au CICE :
T/0,7 x (2 x SMIC horaire x 1,3 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,3) ;
- pour une entreprise qui bénéficie de l’exonération du fait de son secteur d’activité, non éligible au CICE :
T/1,6 x (3 x SMIC horaire x 1,4 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,4) ;
- pour une entreprise bénéficiant d’une exonération renforcée, éligible au CICE :
T x (3,5 x SMIC horaire x 1,7 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,7) ;
- pour une entreprise bénéficiant d’une exonération renforcée, non éligible au CICE :
T/2 x (4,5 x SMIC horaire x 1,7 x nombre d’heures rémunérées/rémunération mensuelle brute-1,7) ;
T= taux de cotisations patronales d’assurance maladie, d’assurance vieillesse et d’allocations familiales applicable au SMIC.
Lorsque le résultat obtenu à l’issue de votre équation est supérieur à T, votre coefficient est plafonné à la valeur de T.
Source : Décret n° 2016-566 du 9 mai 2016 relatif à l’exonération de cotisations sociales applicable aux entreprises implantées en outre-mer
Outre-mer : une formule « magique » pour être exonéré de charges ? © Copyright WebLex - 2016
Des aides pour prévenir des maladies professionnelles
Premier arrivé, premier servi !
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont à l’origine de nombreuses maladies professionnelles reconnues et prises en charge par les caisses de sécurité sociale. Pour prévenir ces maux et les frais qu’ils entraînent, la Caisse d’Assurance Maladie propose 2 nouvelles aides financières : TMS Pros Diagnostic et TMS Pros Action.
TMS Pro Diagnostic est une aide qui permet d’identifier et de maîtriser les risques de TMS en finançant jusqu’à 70 % :
- d’une formation d’un salarié de l’entreprise qui sera capable d’animer et de mettre en œuvre un projet de prévention des TMS dans l’entreprise ;
- d’une prestation ergonomique pour la réalisation d’un diagnostic de prévention des TMS, incluant l’étude des situations de travail concernées et le plan d’actions.
TMS Pros Action est une aide qui permet de financer jusqu’à 50 % d’achat d’équipements visant à réduire les contraintes physiques, notamment lors de manutentions manuelles de charges, d’efforts répétitifs ou de postures contraignantes. Ces équipements devront être inscrits dans un plan d’actions pour être pris en charge.
Vous avez jusqu’au 15 juillet 2017 pour réserver l’une et/ou l’autre de ces aides auprès de la CARSAT (ou de la CRAMIF). Sachez qu’elles sont chacune plafonnées à 25 000 €.
Source : www.tmspros.fr
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Faute lourde du salarié : et si un vice de procédure remettait tout en cause ?
Licenciement d'un salarié protégé = autorisation de l'inspecteur du travail
Une salariée a été condamnée pénalement pour un vol commis au sein même de son entreprise. L’employeur décide de la licencier pour faute lourde, estimant que la salariée a agi en parfaite déloyauté, par haine et vengeance.
Pour l’employeur, le comble de la mauvaise foi de la salariée a été de l’informer, le jour de son entretien préalable, qu’elle était conseiller du salarié et qu’un arrêté préfectoral lui conférait alors une protection particulière. Ce dont il n’a pas tenu compte dans la procédure de licenciement. A tort, semble-t-il…
Le juge rappelle, en effet, que tout licenciement d’un salarié protégé doit être autorisé par l’inspecteur du travail et que le silence de la salariée quant à son statut, jusqu’au jour de son entretien, n’est pas fautif. Aussi, l’employeur a bien commis un manquement dans la procédure de licenciement.
Rappelons que le licenciement d’un salarié protégé sans autorisation préalable de l’inspection du travail peut être sanctionné d’une peine d’1 an d’emprisonnement maximum et de 3 750 € au plus, dans ce cas.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 10 mai 2016, n° 14-26249
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Travail dominical : ouvrir pour la fête des mères, c’est possible ?
La fête des mères, une fête légale ?
La Préfecture de Haute-Savoie impose à tous les commerces de détail alimentaire de fermer un jour par semaine, sauf en période estivale et pour les fêtes légales et locales.
Un groupement de commerçants reproche à un magasin d’avoir ouvert le dimanche de la fête des mères. Pour lui, une « fête légale » correspond à un jour férié. Or, le jour de la fête des mères n’étant pas férié, il ne permet pas, selon lui, l’ouverture d’un magasin.
Et pourtant, le juge souligne que la Loi consacre bel et bien un jour pour célébrer la fête des mères (à l’article R 215-1 du Code de l’action sociale et des familles pour être précis). Le commerce de détail alimentaire pouvait donc ouvrir ce dimanche, conformément à l’arrêté préfectoral.
Le jour de la fête des mères est fixé au dernier dimanche de mai ou, s’il tombe le même jour que la Pentecôte, le 1er dimanche de juin. Cette année, la fête des mères aura donc lieu le 29 mai. Notez que la fête des pères, quant à elles, n’est pas consacrée par les textes législatifs ou règlementaires.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 mai 2016, n° 14-26975
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Aménagement de la durée de travail = modification du contrat de travail ?
Un aménagement de la durée de travail sur 4 semaines au plus
Une entreprise met en place une organisation de la répartition de la durée du travail sur une période de 4 semaines maximum. Chaque salarié est informé, par le biais du planning, de ses périodes de travail. Ce système permet à l’entreprise de décompter les heures supplémentaires à partir de la 39ème heure hebdomadaire ou au-delà d’une durée moyenne de 35 heures hebdomadaires sur toute la période de travail.
Un syndicat conteste cette décision unilatérale de l’employeur : cette organisation de la durée du travail entraîne un décompte des heures supplémentaires moins favorable au salarié. De plus, les contrats de travail des salariés ne comportent aucune clause prévoyant une répartition des horaires sur une période de 4 semaines.
Ce à quoi l’employeur répond que l’organisation de la répartition de la durée du travail sur une période au plus égale à 4 semaines relève de son pouvoir de direction.
Ce que confirme le juge ! A défaut d’accord collectif, l’employeur peut, par décision unilatérale, organiser la durée du travail sous forme de périodes de travail. Chaque période de travail comporte au plus 4 semaines. Cette organisation de la durée collective du travail ne peut être assimilée à une modification du contrat de travail. Les salariés n’ont donc pas à donner leur accord.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 mai 2016, n° 15-10025
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