Gestion des difficultés économiques : illustrations pratiques
Exemple 1 : ne pas remplacer les départs = compression d’effectif ?
Un comité d’entreprise constate une baisse significative des effectifs : plusieurs salariés de l’entreprise ont été licenciés (pour motif personnel) et tous les salariés qui ont quitté l’entreprise n’ont pas été remplacés. Pour le comité d’entreprise, cette pratique résulte d’un projet de compression des effectifs pour lequel un PSE aurait dû être organisé et donc pour lequel il aurait dû être consulté. Ce qui n’a pas été le cas.
Mais, selon le juge, le fait que les départs n’aient pas été remplacés ne prouve pas l’existence d'un projet de compression d'effectifs. En conséquence, les représentants du personnel n’avaient donc pas à être consultés.
Exemple 2 : reclasser… très loin ?
Une entreprise est contrainte de fermer un établissement. Elle propose donc un reclassement à un salarié : il occuperait le même poste, mais sur un autre site… situé à 1 000 km de chez lui. Le salarié accepte et signe un avenant. Cependant, il apprend finalement que d’autres postes, plus près de chez lui, étaient disponibles. Il en déduit que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat.
Ce qui n’est pas de l’avis du juge : parce que le salarié n’a pas été licencié et qu’il a signé l’avenant, l’employeur n’a pas manqué à ses obligations.
Exemple 3 : modifier… les conditions de travail ou le contrat de travail ?
En raison du regroupement de ses activités, une entreprise propose de modifier les heures de ses salariés, leur accordant 1 mois pour se positionner. Une salariée refuse cette modification qui porte sur les heures qu’elle accomplit dans le cadre du travail de nuit : cela implique une baisse de sa rémunération…
Que l’employeur va d’abord compenser de manière dégressive dans le temps, précise-t-il. Ce qui constitue une modification de son contrat de travail soumise à son accord, rappelle la salariée qui maintient son refus. Considérant son refus comme fautif, l’employeur la licencie.
A tort, selon le juge : non seulement il s’agit, en effet, d’une modification du contrat de travail et non des conditions de travail, dont l’opposition du salarié ne peut pas être fautive, mais, en plus, l’entreprise accordait un délai d’un mois aux salariés pour se positionner. Le juge retient donc qu’il s’agissait d’une modification du contrat de travail pour motif économique. Le refus du salarié devait donc déboucher sur un licenciement économique.
Exemple 4 : retirer et compenser un avantage en nature ?
Un salarié est employé sur un domaine viticole, en qualité de maître de chai. L’employeur souhaite créer une nouvelle cave avec mise en place de nouveaux systèmes de filtrage, de production, de stockage et de vinification, ce qui constitue, selon lui, une mutation technologique. Il propose à son salarié de lui retirer son logement de fonction et de compenser cette perte par une indemnité.
Le salarié ayant refusé cette modification, l’employeur le licencie pour motif économique. A juste titre, confirme le juge : la création de cette nouvelle cave et la mise en place des nouveaux systèmes associés constituent effectivement une mutation technologique, et donc un motif économique.
Source :
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 25 octobre 2017, n° 16-13872
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 octobre 2017, n° 16-16092
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 octobre 2017, n° 16-17138
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 octobre 2017, n° 16-19194
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Accident de travail : l’absence du dirigeant n’est pas une excuse !
Non-respect des règles d’hygiène et de sécurité = responsabilité du dirigeant ?
A la suite d’un grave accident de travail ayant entraîné le décès d’un salarié, le dirigeant d’une entreprise d’exploitation pétrolière est poursuivi pour homicide involontaire. L’enquête menée par l’inspection du travail révèle que l’appareil à l’origine de l’accident n’a pas été convenablement entretenu en raison d’une information insuffisante des agents de maintenance sur l’entretien de cet appareil.
Ce dont il n’est pas responsable, se défend le dirigeant. Le défunt salarié était lui-même chargé de l’entretien de cet appareil. Le dirigeant, qui n’a jamais délégué ses pouvoirs, ne peut pas être mis en cause, selon lui, d’autant qu’il travaillait au siège social et n’intervenait pas sur le site de l’exploitation.
Ce qui n’exclut pas sa responsabilité, souligne le juge. Il rappelle, en effet, que les équipements de travail doivent être maintenus en bon état de service et que l’employeur est tenu d’informer ses salariés de leur utilisation et de leur maintenance. En cas de manquement à ces obligations et sans délégation de pouvoir, la responsabilité pénale du dirigeant est engagée, peu importe alors qu’il travaille ou non sur le site concerné par l’accident.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 31 octobre 2017, n° 16-83683
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Des accords d’entreprise consultables par tous ?
Les accords d’entreprise consultables sur internet
Les accords d’entreprises conclus depuis le 1er septembre 2017 sont consultables sur le site internet : legifrance.gouv.fr.
Il est possible, après la conclusion de l’accord collectif, que les parties décident qu'une partie de la convention ou de l'accord ne fasse pas l'objet de la publication. Dans ce cas, elles doivent en convenir dans un nouvel acte qui sera joint à l’accord conclu, au moment du dépôt à la Direccte.
A défaut d'un tel acte, n’importe laquelle des parties peut demander à ce que l’accord collectif soit publié dans une version rendue anonyme.
- Communiqué de presse du Ministère du travail, du 17 novembre 2017
Elections professionnelles : quand un syndicat fait campagne…
Communication syndicale = liberté d’expression
Alors qu’ils ont signé un protocole électoral fixant les dates de la campagne électorale, des syndicats commencent à diffuser des tracts avant la date d’ouverture de cette campagne qu’ils ont pourtant acceptée dans le cadre du protocole.
Trop tôt, pour l’employeur, qui décide de saisir le juge pour leur ordonner, sous astreinte, de cesser cette communication et de respecter l’accord qu’ils ont conclu.
Mais les syndicats contestent, rappelant que l’expression syndicale est une liberté fondamentale et qu’ils sont libres de déterminer le contenu de leurs publications, sous réserve de ne pas porter de diffamation ou d’injures.
Ce que confirme le juge : le non-respect des dates de campagne électorale prévues dans le protocole d’accord préélectoral ne constitue pas un trouble manifestement illicite qui justifierait qu’il ordonne aux syndicats de cesser ces agissements sous astreinte.
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 novembre 2017, n° 16-24798
Réintégration d’un salarié licencié : comment calculer son indemnité ?
Indemnité « d’éviction » : faut-il déduire les autres revenus ?
Une entreprise a licencié un salarié, en raison de son comportement managérial. Motif que le salarié a contesté puisque son licenciement a été prononcé alors qu’il venait seulement de dénoncer des remarques de la part de son supérieur concernant son âge et le coût (pour l’entreprise) de sa rémunération.
Le juge déclare donc son licenciement nul et propose au salarié d’être réintégré. Ce qu’il accepte, imposant alors à son employeur de lui verser la rémunération qu’il aurait dû percevoir s’il n’avait pas été licencié. Mais parce que le salarié a été pris en charge par Pôle Emploi, l’employeur déduit des sommes qu’il doit verser les allocations chômage déjà perçues par le salarié.
Ce que le salarié conteste. Il rappelle qu’un salarié licencié pour un motif discriminatoire a droit, s’il demande sa réintégration, au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration. Selon lui, le montant de cette indemnité ne peut pas être diminuée des allocations chômage qu’il a perçus sur cette même période.
Mais le juge retient que le principe de non-discrimination liée à l'âge ne constitue pas une liberté fondamentale reconnue par la Constitution qui justifierait, en pareil cas, que les revenus de remplacement ne soient pas déduits. Le montant des allocations chômage perçues par le salarié doit donc être déduit de l’indemnité que l’employeur doit lui verser.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 novembre 2017, n° 16-14281
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Paiement (intégral) d’une prime d’objectifs sur objectifs non définis ?
La non-détermination des objectifs n’empêche pas le paiement de la prime !
Dès lors qu’un contrat de travail prévoit le versement d’une rémunération variable liée aux objectifs du salarié, l’employeur est dans l’obligation de fixer les objectifs de ce dernier. S’il ne le fait pas, ce manquement ne le dispense pas du paiement de la rémunération variable, celle-ci étant alors calculée sur la base des primes qu’il a reçues les années passées.
Dans un exemple récent, une entreprise licencie un salarié, avant d’avoir défini avec lui ses nouveaux objectifs. Ce qui justifie, d’après le salarié, qu’elle procède au paiement intégral de sa prime d’objectifs, sur la base de celles qu’il a reçues les années passées.
Pas du tout, répond l’employeur qui rappelle que la prime d’objectifs est une prime « annuelle ». S’il a droit à sa prime d’objectifs, c’est uniquement au prorata de son temps de présence dans l’entreprise. Contestation du salarié qui maintient que le paiement intégral de cette prime lui est dû : la prime d’objectifs est liée au fait que l’objectif soit atteint, peu importe à quel moment il l’a été et peu importe la durée de présence du salarié.
Faux, répond le juge : la prime d’objectifs constitue la part variable de la rémunération du salarié ; elle est versée en contrepartie de son activité. De ce fait, parce que le salarié a quitté l’entreprise au cours de l’exercice, le montant de la prime est calculé au prorata de son temps de présence dans l’entreprise.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 novembre 2017, n° 16-18069
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Aménagement du temps de travail sur 10 jours : (im)possible ?
Attention aux accords collectifs !
Un salarié réclame à son employeur le paiement d’heures supplémentaires. Ce que l’employeur refuse : le temps de travail, dans l’entreprise, est aménagé sur une période supérieure à la semaine. Très exactement, il est aménagé sur une période de 10 jours.
Mais ce n’est pas ce qui est prévu par la convention collective, rétorque le salarié ! Elle permet, en effet, à l’employeur d’organiser le temps de travail sur plusieurs semaines qui constituent un cycle, selon un rythme qui se répète à l’identique d’un cycle à l’autre. Et, précise-t-il, 10 jours ne constituent pas « plusieurs semaines ».
Exact, d’après le juge : parce que la convention collective prévoit qu’un cycle est composé de plusieurs semaines, une période de 10 jours ne constitue pas un cycle permettant de rehausser le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 novembre 2017, n° 16-15584
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Liberté religieuse en entreprise : des restrictions possibles ?
Restreindre la liberté religieuse… à la demande d’un client ?
Une société de conseil met des ingénieurs d’études à la disposition de ses clients. L’un d’eux se dit gêné par les manifestations (vestimentaires) religieuses d’une salariée qui intervient auprès de lui.
Soucieux de conserver de bonnes relations avec sa clientèle, l’employeur demande à la salariée concernée de ne plus porter de signe religieux lorsqu’elle intervient auprès de lui. Mais la salariée refuse. Refus qui constitue une faute, selon l’employeur : il décide donc de la licencier.
Ce que conteste la salariée : pour elle, son licenciement repose sur ses convictions religieuses, motif discriminatoire. « Pas du tout », d’après l’employeur qui rappelle qu’elle pouvait librement exprimer ses convictions religieuses au sein même de l’entreprise. Cependant, la manifestation de son appartenance religieuse débordait du périmètre de l’entreprise et empiétait sur la sensibilité de ses clients et donc sur les droits d’autrui. Sa demande était alors légitime, selon l’employeur…
… mais pas selon le juge qui conclut que le licenciement est discriminatoire parce que :
- le règlement intérieur de l’entreprise ne comporte aucune clause de neutralité et qu’aucune note de service de même valeur n’interdit le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux ;
- la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits de son client de ne pas être mis en relation avec une salariée dont la tenue vestimentaire indique l’appartenance religieuse n’est pas une exigence professionnelle et déterminante permettant de restreindre la liberté de la salariée.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 22 novembre 2017, n° 13-19855
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Absence pour maladie et avancement : incompatible ?
Quelles absences peuvent faire obstacle à un avancement ?
Un salarié demande à son employeur une revalorisation de son salaire : un accord d’entreprise précise qu’au bout d’un certain nombre d’années d’ancienneté, le salarié accède à l’échelon supérieur, lui permettant une augmentation de sa rémunération.
Sauf que le salarié ne remplit pas encore les conditions d’ancienneté, lui rappelle l’employeur : il a été absent sur une période de 6 mois, ce qui retarde d’autant son passage à l’échelon supérieur. « Injuste », selon le salarié qui précise que ses absences étaient justifiées par des arrêts maladie. Or, aucune décision concernant sa carrière ne peut être prise en raison de l’état de santé du salarié. Puisque ses arrêts maladies retardent sa progression professionnelle, il est, estime-t-il, victime d’une discrimination.
« Non », répond le juge : un accord collectif peut tenir compte des absences pour l’attribution d’un coefficient supérieur à un salarié. Cependant, dans pareil cas, il faut que toutes les absences, qui ne sont pas assimilées par la Loi à du temps de travail effectif, entraînent le même effet retardateur. Ce qui est le cas ici : le salarié ne peut donc pas prétendre à des rappels de salaire liés à un avancement qu’il n’a pas.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 novembre 2017, n° 16-14653
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Embauche des mineurs sur les navires marchands : des nouveautés !
Embaucher un mineur : à certaines conditions seulement…
Par principe, il n’est pas possible de faire travailler un jeune plus de 7 heures par jour et plus de 35 heures par semaine, sous peine d’avoir à payer une amende d’un montant maximal de 3 750 €. Il est également interdit de l’affecter à un poste de travail de nuit à la pêche. « En principe », cela signifie donc qu’il y a des exceptions.
L’armateur doit alors adresser une demande de dérogation à l’inspecteur du travail au plus tard dans les 8 jours qui précèdent la date d’embarquement prévue.
Il n’est possible d’embaucher un jeune d’au moins 15 ans qu’à la double condition :
- qu’il soit inscrit dans une formation professionnelle maritime (ayant suivi une formation à la sécurité) ou qu’il accomplisse une période de formation en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement professionnel ou un stage d’initiation et d’application dans le cadre d’un dispositif d’initiation aux métiers en alternance ;
- qu’il exécute son contrat pendant des vacances scolaires d’une durée minimale de 14 jours et que la durée du contrat lui permette un repos continu d’au moins 50 % de la durée totale des vacances, période d’embarquement incluse.
Par exemple : pendant les vacances d’hiver, qui durent 2 semaines, le jeune pourra travailler la 1ère semaine ou la 2ème semaine, mais ne pourra pas travailler 1 semaine « à cheval » sur les 2 que comportent lesdites vacances.
Dans ce cas encore, l’armateur doit adresser une demande d’autorisation à l’inspecteur du travail, à laquelle il joint l’accord du représentant légal du mineur.
Lorsque vous embauchez un mineur sur un navire marchand, vous êtes tenu de réaliser une évaluation écrite des risques auxquels il sera potentiellement exposé. Cette évaluation s’intègre au document unique d’évaluation des risques professionnels et vous devrez la communiquer au médecin des gens de mer ou médecin du travail, selon le cas. Certaines dérogations sont toutefois possibles.
Notez qu’il est interdit d’affecter les mineurs à des travaux dangereux ou des travaux les exposant à la poussière d’amiante dont la valeur est supérieure ou égale à 100 fibres par litre d’air.
Attention ! Le non-respect de ces règles peut valoir à votre entreprise une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 €.
Source :
- Décret n° 2017-1473 du 13 octobre 2017 relatif à la protection des jeunes travailleurs âgés de moins de dix-huit ans embarqués à bord des navires
- Arrêté du 31 octobre 2017 relatif au contenu des demandes mentionnées à l'article 19 du décret n° 2017-1473 du 13 octobre 2017 relatif à la protection des jeunes travailleurs âgés de moins de dix-huit ans embarqués à bord des navires
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