Métiers en tension : quelles nouveautés pour les travailleurs étrangers ?
Une nouvelle voie de régularisation (temporaire) des travailleurs étrangers
La loi crée une nouvelle procédure exceptionnelle et temporaire de régularisation des travailleurs étrangers officiant dans des « métiers en tension ».
Cette procédure est applicable jusqu’au 31 décembre 2026, à titre expérimental, et facilite la possibilité de régularisation d’un travailleur étranger en situation irrégulière.
Pour cela le travailleur doit :
- occuper un métier figurant dans la liste des « métiers en tension » caractérisés par des difficultés de recrutement durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois ;
- justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins 3 années en France.
Notez que la liste des métiers et zones géographiques « en tension » sera actualisée au moins une fois par an. À date, la liste en vigueur est consultable ici.
Ne sont pas prises en compte les périodes de séjour et d’activité salariée exercées grâce à :
- la carte de séjour pluriannuelle « travailleur saisonnier » ;
- la carte de séjour temporaire « étudiant » ;
- la qualité de demandeur d’asile autorisé à travailler.
Attention : le travailleur étranger qui aurait fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée au bulletin no 2 du casier judiciaire, ne peut pas bénéficier de cette procédure exceptionnelle de régularisation.
Quelle procédure pour cette régularisation ?
Il appartient au travailleur étranger qui remplit les conditions requises de déposer un dossier de demande à la préfecture. Il n’a pas à solliciter son employeur.
Après vérification des conditions (notamment la réalité de l’activité professionnelle), le préfet délivrera au travailleur une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an qui portera la mention « travailleur temporaire » ou « salarié ». Cette carte de séjour entraîne la délivrance d’une autorisation de travail.
Outre les seules conditions légales, il peut prendre en compte la réalité et la nature des activités professionnelles exercées, l’insertion sociale et familiale, le respect de l’ordre public, l’intégration à la société et l’adhésion de l’étranger au mode de vie et aux valeurs, ainsi qu’aux principes de la République.
- Loi no 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (articles 27 et 28)
- Article L435-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)
- Arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse
- Article L5221-5 Code du travail (alinéa 3)
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« Passeport Talents » : quelles nouveautés ?
Du « passeport talent » au titre de séjour « talent-salarié qualifié »
Pour mémoire, les « passeports talents » désignaient les cartes de séjour pluriannuelles délivrées à certains travailleurs étrangers dont l’activité et la résidence sur le territoire national constituaient un atout économique.
Jusqu’alors, ce dispositif était décliné à 11 catégories de demandeurs, parmi lesquels on retrouvait notamment les titres de séjour suivants :
- « passeport talent – salarié qualifié » ;
- « passeport talent – salarié d’une jeune entreprise innovante » ;
- « passeport talent – salarié en mission ».
Désormais, le législateur unifie ces 3 dispositifs en un seul et même titre de séjour pluriannuel, valable 4 ans : le titre de séjour « talent salarié qualifié ».
Sous réserve de respecter un certain seuil de rémunération restant encore à fixer par décret, le titre de séjour pourra être attribué si :
- le salarié est doté au minimum d’un diplôme équivalent au master ;
- ou est employé dans une jeune entreprise innovante (ou une entreprise innovante reconnue par un organisme public) ;
- ou vient en France dans le cadre d’une mission :
- soit entre établissements d’une même entreprise ;
- soit entre entreprises d’un même groupe.
Pour cette dernière situation, le salarié devra justifier d’une ancienneté d’au moins 3 mois dans le groupe ou l’entreprise établi hors de France, ainsi que d’un contrat de travail conclu avec l’entreprise établie en France.
Enfin, notez que cette carte ne permet que l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.
Création d’un titre de séjour « talent » dédié aux professionnels de santé
Dans le même esprit, le législateur vient créer une carte de séjour pluriannuelle « talent – profession médicale et de la pharmacie ».
Là encore, ce titre, valable pour une durée maximale de 4 ans, est mis en place au profit des travailleurs étrangers qui occupent les professions de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien en vertu d’un diplôme obtenu hors de l’Union européenne.
Pour l’obtenir, les professionnels de santé étrangers doivent :
- justifier du respect d’un seuil de rémunération qui sera prochainement fixé par décret ;
- signer la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité ;
- bénéficier d’une décision d’affectation et d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer.
Notez qu’ici encore cette carte permet seulement l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.
- Loi no 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (articles 30 et 31)
- Article L421-9 du CESEDA (unification des dispositifs ‘passeports talent’ dans le titre de séjour « talent salarié qualifié »)
- Article L421-13-1 du CESEDA (création du titre de séjour « talent – profession médicale et de la pharmacie )
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Loi « « immigration » : et du côté des sanctions ?
Une nouvelle amende administrative …
Jusqu’alors, l’embauche d’un travailleur étranger sans titre de travail était sanctionnée par l’obligation de verser une contribution spéciale et une contribution forfaitaire à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Désormais, ces contributions sont remplacées par une nouvelle amende administrative qui sera prononcée par le ministre en charge de l’immigration, eu égard aux procès-verbaux et aux rapports établis par les agents de contrôle.
Comme auparavant, cette amende sera prononcée en cas d’embauche d’un étranger sans titre de travail.
Nouveauté : elle pourra aussi être infligée en cas d’embauche d’un étranger ayant un titre de travail dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autre que celle qui y est expressément mentionnée.
Cette amende est plafonnée à 5 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti par travailleur étranger concerné.
En cas de réitération, elle pourra être majorée, avec un plafond fixé à 15 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti.
Notez que ces nouvelles dispositions restent subordonnées à la publication d’un décret, non encore paru à ce jour.
Précisons enfin que si cette amende administrative est cumulable avec la sanction pénale pour l’emploi d’un étranger non-autorisé à travailler, le montant global des sanctions ne peut jamais dépasser le montant le plus élevé des sanctions encourues.
… et un renforcement de l’amende pénale existante
Jusqu’à présent, seul le fait d’occuper directement ou indirectement un étranger en situation irrégulière était susceptible de tomber sous la qualification pénale d’emploi d’étranger non-autorisé à travailler.
Désormais, le champ d’application de l’infraction est étendu puisqu’il en va de même lorsque le travailleur étranger est occupé dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autre que celle mentionnée sur son titre de travail.
Dans ce cas, le montant de l’amende encourue est désormais fixé à 30 000 € par étranger concerné pour l’employeur personne physique et à 150 000 € pour l’employeur personne morale.
Notez enfin que lorsque l’infraction est commise en bande organisée, ces amendes pénales pourront être réhaussées.
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Un client « jusqu’au boutiste »…
Commissaire aux comptes : les conséquences d’une action en responsabilité
Un gérant constate que sa société a été victime de détournements de fonds et ce, de manière récurrente.
Il reproche alors au commissaire aux comptes intervenant auprès de sa société de ne pas avoir procédé à une analyse des risques plus approfondie et engage sa responsabilité.
Au-delà de cette mise en cause, le gérant réclame également que le commissaire aux comptes soit relevé de ses fonctions. Il estime que la situation actuelle, à savoir l’existence d’un litige à raison de fautes qu’il reproche au commissaire aux comptes suffit à justifier ce relèvement de fonctions.
D’autant, ajoute-t-il, que l’antagonisme d’intérêts prive la relation contractuelle de l’impartialité et de la confiance nécessaires à l’exercice des fonctions de commissaire aux comptes…
Mais le juge rejette se demande, pour les motifs suivants.
D’une part, il rappelle que la seule introduction d'une action en responsabilité contre un commissaire aux comptes par la société au sein de laquelle il exerce sa mission ne constitue pas un empêchement justifiant son relèvement.
D’autre part, il estime qu’ici la preuve n'est pas rapportée que le commissaire aux comptes aurait commis des fautes suffisamment graves pour fonder une demande de relèvement de ses fonctions, de sorte que celle-ci doit être rejetée.
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« Coup de pouce chauffage » : pour tous ?
Le locataire d'une maison individuelle aimerait avoir un système de chauffage plus économique. Il se renseigne donc sur la prime « Coup de pouce chauffage » qui lui permettrait d'investir dans un système de chauffage au bois.
Cela étant, il s'interroge : ce type d'aides n'est-il pas d'habitude réservé aux propriétaires ?
La bonne réponse est... Non
Si la plupart des dispositifs d'aides sont en effet destinés aux propriétaires, l'aide « Coup de pouce chauffage » est ouverte à tous les occupants de maisons individuelles : locataires ou propriétaires, résidences secondaires ou principales, sans condition de ressource.
Le locataire a donc le droit de bénéficier de ce dispositif pour mettre en place un système de chauffage moins énergivore. Il doit bien entendu obtenir l'accord préalable de son bailleur avant de débuter les travaux.
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Indice du taux moyen des crédits immobiliers - Année 2024
|
Période |
Taux moyen général |
Taux moyen sur 15 ans |
Taux moyen sur 20 ans |
Taux moyen sur 25 ans |
Durée moyenne (en mois) |
|
Janvier 2024 |
4,15 % |
3,89 % |
4,00 % |
4,13 % |
248 |
|
Février 2024 |
3,99 % |
3,79 % |
3,90 % |
3,99 % |
245 |
|
Mars 2024 |
3,90 % |
3,74 % |
3,82 % |
3,91 % |
247 |
|
Avril 2024 |
3,81 % |
3,69 % |
3,76 % |
3,84 % |
247 |
|
Mai 2024 |
3,73 % |
3,62 % |
3,66 % |
3,76 % |
248 |
|
Juin 2024 |
3,66 % |
3,51 % |
3,55 % |
3,65 % |
246 |
|
Juillet 2024 |
3,62 % |
3,49 % |
3,50 % |
3,60 % |
251 |
|
Août 2024 |
3,62 % |
3,51 % |
3,54 % |
3,63 % |
248 |
|
Septembre 2024 |
3,59 % |
3,46 % |
3,50 % |
3,59 % |
248 |
|
Octobre 2024 |
3,46 % |
3,34 % |
3,39 % |
3,45 % |
247 |
|
Novembre 2024 |
3,37 % |
3,26 % |
3,30 % |
3,38 % |
245 |
|
Décembre 2024 |
3,38 % |
3,24 % |
3,26 % |
3,34 % |
249 |
Renouvellement des titres de séjour : quelles nouveautés ?
Renouvellement des cartes de séjour : quelles nouveautés ?
Pour mémoire, le travailleur étranger peut solliciter le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle ou temporaire (hors carte de séjour « salarié détaché ICT » et « recherche d’emploi ou création d’entreprise »), sous réserve de continuer à remplir certaines conditions imposées par la loi.
Et justement…le législateur vient récemment de réformer ces conditions !
D’abord, la loi subordonne désormais la délivrance et le renouvellement de tous les titres de séjour à la signature d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République (contrat d’intégration républicaine)
Ce contrat oblige son signataire à respecter certains principes fondamentaux définis par la Constitution (liberté d’expression et de conscience, dignité de la personne humaine, devise et symboles de la République notamment).
Aucun titre de séjour ne pourra être délivré à l’étranger qui refuse de signer ce contrat, lequel refus peut aussi entraîner le non-renouvellement ou le retrait du titre de séjour concerné.
Notez toutefois que certains travailleurs étrangers sont dispensés de la signature de ce contrat.
La loi plafonne les renouvellements de la carte de séjour temporaire à 3 consécutifs, lorsqu’elles portent une mention identique.
Ici encore, les étrangers dispensés de la signature du contrat d’intégration républicaine ne sont pas soumis à cette limitation.
Concernant le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle, le travailleur étranger devra prouver qu’il a établi sa résidence habituelle en France.
Ce lieu de résidence habituel s’entend comme celui où il a cumulativement :
- séjourné au moins 6 mois au cours de l’année civile, durant les 3 années précédant le dépôt de sa demande (ou pendant la durée totale de validité du titre dans le cas où la période de validité du titre actuel est inférieure à 3 ans) ;
- transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux.
Notez qu’ici encore, certaines cartes de séjour pluriannuelles ne seront pas soumises à cette condition de résidence : c’est le cas pour les cartes de séjour « salariés qualifiés », « talent » et « travailleur saisonnier » notamment.
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Changement de poste … ou changement d’employeur ?
Changement d’employeur = accord du salarié !
Une salariée est embauchée en qualité de directrice d’un magasin, aux termes d’un contrat de travail qui prévoit, outre une partie variable de sa rémunération, une clause de mobilité lui permettant d’être mutée dans un autre service, établissement ou société, actuels ou futurs, ayant des liens avec l’entreprise et en fonction des besoins du service.
2 ans plus tard, cette clause est activée et la salariée est mutée dans un autre magasin exploité par une autre entreprise du même groupe.
Dans le cadre de cette mutation, sa rémunération évolue pour n’être composée plus que d’une partie fixe.
Après sa démission, elle conteste cette mutation en réclamant un rappel de salaires : selon elle, sa mutation entraîne en réalité un changement d’employeur qui nécessite son accord préalable.
Puisqu’elle ne l’a pas donné, son contrat initial ainsi que les modalités de sa rémunération doivent rester inchangés.
« Non ! » réfute l’employeur : il n’a fait qu’activer la clause de mobilité inscrite dans son contrat de travail et acceptée par la salariée. Cette relation de travail avec la nouvelle société n’impose pas le recueil de son consentement préalable.
« Faux ! » tranche le juge en faveur de la salariée : il y a bien eu changement d’employeur prévu et organisé via son contrat de travail, qui suppose par principe l’accord exprès du salarié, lequel ne peut pas résulter de la seule poursuite du contrat de travail sous une autre direction.
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RGPD : de nouvelles sanctions importantes
Traitements de données personnelles : le consentement et les droits des personnes
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a récemment été impliquée dans deux procédures de sanctions à l’égard de professionnels. Deux cas vécus qui permettent de rappeler les droits des personnes dont les données sont traitées.
Dans le premier cas, la Cnil a enquêté auprès d’un courtier en données qui collectait des données à caractère personnel auprès d’utilisateurs afin de les revendre.
Il est reproché au courtier un « défaut de base légale » concernant ces collectes. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose en effet que toute collecte de données doit être justifiée par un motif légal autorisant le traitement.
Le courtier indiquait que dans son cas, ce motif était celui du consentement des personnes concernées au traitement de leurs données. Ce qui est un des motifs prévus par le RGPD… À la condition toutefois que le consentement des personnes soit recueilli de façon libre, éclairé et univoque.
Ce qui n’était pas le cas ici, le formulaire de collecte ne permettant pas d’établir clairement le consentement des personnes.
Dans un second cas, la Cnil a collaboré avec son homologue néerlandaise à la suite de suspicions de manquements constatés en France par une société ayant établi son siège européen aux Pays-Bas.
Dans cette affaire, une entreprise exploitant une plateforme de mise en relation de VTC et de clients était suspectée de ne pas garantir suffisamment les droits des chauffeurs de VTC concernant leurs propres données personnelles.
En cause, notamment, l’exercice du droit d’accès. Le RGPD prévoit que chaque personne dont les données sont traitées peut, entre autres, demander à tout moment à ce qu’on lui remette dans un format accessible l’ensemble des données le concernant détenues par une entité.
Problème : quelle que soit la nationalité du demandeur, le professionnel remettait les données dans un document entièrement rédigé en anglais. Ce qui ne correspond pas à un « format accessible » concluent les autorités de contrôles.
Il est également noté que le professionnel n’informait pas clairement les chauffeurs sur l’exercice de leurs droits et ne rendait pas suffisamment accessible leur exercice.
Ces deux sociétés ont donc été condamnées au paiement d’une amende de 75 000 € pour la première et de 10 000 000 € pour la seconde.
Pour rappel, les manquements aux dispositions du RGPD peuvent entrainer le prononcé d’amende pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial ou 20 000 000 €.
