Rémunération de dirigeant : non versée mais imposable ?
Face aux difficultés financières de sa société, un dirigeant a décidé de ne pas se verser sa rémunération de décembre 2023, qui a donc été inscrite, d'un point de vue comptable, au crédit de son compte courant d'associé. Et, parce qu'il n'a pas « perçu » cette rémunération, il ne l'a donc pas déclaré au moment de remplir sa déclaration d'impôt sur le revenu en mai 2024. Sauf que l'administration fiscale voit les choses différemment : pour elle, cette rémunération, même non versée, reste malgré tout « disponible », donc imposable...
Qui a raison ?
La bonne réponse est... L'administration fiscale
Parce qu'il a, par définition, participé à la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due, la rémunération d’un dirigeant inscrite à son compte courant d’associé, mais non perçue au 31 décembre d’une année, est considérée comme ayant été mise à sa disposition au titre de cette année, dès lors qu’aucune circonstance ne l’a pas empêché d’en disposer immédiatement.
Ici, le dirigeant aurait dû déclarer, sur sa déclaration d’impôt 2024, la rémunération de décembre 2023 qui ne lui a pas été versée.
Pour que cette rémunération, non versée, ne soit pas imposable, il faut établir que la situation financière de la société était telle que son versement était manifestement impossible, pour des raisons indépendantes de la volonté du dirigeant.
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Fiscalité et dispositif anti-abus : qui se cache derrière l’écran ?
Dispositif anti-abus = à la recherche du véritable prestataire…
Dans certains milieux professionnels, il est fréquent qu’une personne domiciliée en France ne perçoive pas directement sa rémunération, cette dernière étant versée à une structure étrangère chargée de fournir les services de cette personne et de lui reverser une partie de sa rémunération.
Le problème de ce type de montage est qu’il permet de faire échapper à l’impôt français des sommes qui, normalement, auraient dû être taxées en France.
C’est pourquoi il existe un dispositif anti-abus qui permet, toutes conditions remplies, de taxer à l’impôt sur le revenu (IR) français les sommes versées à des personnes ou sociétés domiciliées ou établies à l’étranger, dès lors que les services rémunérés ont été exécutés en France ou par une ou plusieurs personnes domiciliées en France.
En application de ce dispositif, la personne domiciliée en France, auteure de la prestation de services, est réputée avoir perçu elle-même les bénéfices ou revenus retirés de cette prestation et, par conséquent, est imposée au titre de ces derniers si :
- elle contrôle directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;
- ou, lorsqu'elle n'établit pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;
- ou, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
Dans une affaire récente, un particulier va être confronté à ce dispositif anti-abus : domicilié en France, il créé une société en Irlande dont il devient associé majoritaire. Cette société conclut un contrat de prestation de service avec une société française.
Dans le cadre de ce contrat, le particulier intervient auprès de la société française pour effectuer des prestations informatiques.
En contrepartie, la société française verse des rémunérations à la société irlandaises au titre des prestations informatiques.
Une situation qui attire l’attention de l’administration : le particulier, domicilié en France, ne perçoit pas directement sa rémunération, cette dernière étant versée à la société irlandaise chargée de fournir les services de cette personne et de lui reverser une partie de sa rémunération.
Partant de ce constat, la mesure anti-abus doit s’appliquer ici, estime l’administration qui taxe personnellement le particulier au titre de son activité de prestations informatiques dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
« À tort ! », conteste le particulier qui rappelle qu’il effectue ces prestations pour le compte de la société irlandaise. Par ailleurs, cette dernière a eu recours à d’autres prestataires en tant que sous-traitants. Et pour preuve, il fournit une attestation d’un chef de projet d’une autre société indiquant les missions qui lui ont été confiées, démontrant que le travail ne pouvait pas être effectué par le seul particulier.
« Insuffisant ! », estime l’administration : la société irlandaise n’est qu’une société « écran » qui n’intervient pas dans la fourniture des prestations informatiques lesquelles sont uniquement exécutées par le particulier, preuves à l’appui :
- la société française et la société irlandaise ont conclu un contrat de prestations de service signé par l’associé fondateur ;
- les comptes rendus d’activité font figurer son nom et mentionnent son nombre d’heures et de jours travaillés auprès de la société française ;
- la société irlandaise se trouve dans un pays à fiscalité privilégiée.
Autant d’indices qui attestent que les prestations litigieuses rémunérées par la société française correspondent à un service rendu par le particulier et que les recettes doivent donc être imposées entre ses mains.
Ce que confirme le juge qui maintient le redressement : si rien ne prouve que la société irlandaise intervient dans la fourniture des prestations de services litigieuses, à l’inverse, tout prouve que le particulier est le véritable prestataire qui doit donc être taxé personnellement en France.
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Exercice injustifié du droit de retrait = retenue sur salaire ?
Droit de retrait : pas de justification, pas de salaire ?
Le droit de retrait désigne le fait pour un salarié de se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Et, lorsque les conditions du droit de retrait sont réunies, l’employeur ne peut pas opérer de retenue sur salaire en réaction aux journées non travaillées.
Ici, le personnel navigant commercial d’une compagnie aérienne exerce son droit de retrait.
Mais, parce que les conditions de l’exercice normal du droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur décide de procéder à des retenues sur salaire, proportionnelles aux journées non travaillées.
2 organisations syndicales saisissent le juge : selon elles, l’exercice, même injustifié, du droit de retrait ne peut pas donner lieu à une retenue sur salaire tant que l’employeur n’a pas saisi le juge.
En effet, selon cette organisation, seul le juge peut juger du bienfondé (ou non) de l’exercice du droit de retrait. L’employeur doit donc d’abord saisir le juge avant d’opérer une quelconque retenue sur salaire.
Mais l’employeur réfute cet argument : l’exercice du droit de retrait étant illégitime ; il est donc en droit de procéder à des retenues sur salaire proportionnelles aux heures de travail non réalisées.
« Tout à fait ! » pour le juge qui valide la position de l’employeur.
Lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit obligé de saisir préalablement le juge du bienfondé de l’exercice de ce droit par le salarié.
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Navire autonome : un cadre juridique précisé
Navires autonomes : une utilisation encadrée
Définition
Le navire autonome est défini comme « un navire opéré (autrement dit piloté) à distance ou par ses propres systèmes d'exploitation, qu’il y ait ou non des gens de mer à bord ».
Certificats
Lorsqu’ils sont nécessaires, un certain nombre de certificats doit être obtenu et renouvelé. Deux nouveaux certificats sont ajoutés à la liste, aussi bien pour les navires autonomes que pour les autres navires :
- la déclaration de conformité attestant de la notification de la consommation du fuel-oil et la notation de l'intensité carbone opérationnelle ;
- le certificat relatif au rendement énergétique.
Sortie en mer
Dans le cas où un navire autonome ne présente pas toutes les caractéristiques permettant à son exploitant d’être titulaire de l'ensemble des titres de sécurité et certificats de prévention de la pollution requis, il peut, à des fins expérimentales, être autorisé à prendre la mer, mais uniquement dans les eaux territoriales françaises.
Cette autorisation est conditionnée au bon respect des conditions d'entretien et d'exploitation. Le navire doit être en mesure d’assurer la sécurité et la sûreté de la navigation, la prévention de la pollution et des risques professionnels.
Les cas où un navire autonome peut sortir en mer sont les suivants :
- les essais techniques et mises au point ;
- les évaluations des performances en situation pour l'usage auquel est destiné le navire ;
- une démonstration publique, notamment lors de manifestations événementielles ;
- une exploitation à titre expérimental.
Formation
Pour être opérateur de navire autonome, il faudra, au même titre que les marins, passer et obtenir les certifications adéquates.
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C’est l’histoire d’une société, d’un produit défectueux, d’une cliente blessée… et d’un assureur…
Une société vend des siphons à crème aux particuliers. En manipulant un siphon, une clientèle se blesse et perd l’usage de son œil droit. Pour couvrir la responsabilité de la société, son assureur verse alors à la cliente une provision sur les indemnités dues…
5 ans plus tard, elle réclame le solde de son indemnisation après avoir reçu l’avis du médecin expert qui considère son état consolidé… Trop tard, pour l’assureur : le délai pour agir en réparation de son préjudice corporel est de 3 ans. 3 ans certes, admet la cliente, mais à compter de la date de consolidation, dont elle vient de faire état… 3 ans effectivement, conteste l’assureur, mais à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance du dommage…
3 ans effectivement, confirme le juge, qui donne raison… à la cliente, rappelant au passage qu’en cas de dommage corporel, la date de la connaissance du dommage doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage !
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Drones maritimes : « c’est pas (plus) l’homme qui prend la mer… »
Drones maritimes : une utilisation encadrée
Définitions
La loi définit le drone maritime comme « un engin flottant de surface ou sous-marin opéré à distance ou par ses propres systèmes d'exploitation, sans personnel, passager ni fret à bord ».
Cette définition s’accompagne de caractéristiques techniques. Ainsi, pour être considéré comme un drone maritime, l’appareil doit avoir :
- une longueur hors tout supérieure à 1 mètre mais inférieure à 16 mètres ;
- une vitesse maximale inférieure ou égale à 20 nœuds (soit un peu plus de 37 km/h) ;
- une énergie cinétique inférieure à 300 kJ ;
- une jauge brute inférieure à 100.
Notez que le drone peut être à usage professionnel ou personnel, c’est-à-dire utilisé pour une navigation de loisir.
Identification
Les drones maritimes doivent porter sur leur coque les lettres « DRN » et leur numéro d’enregistrement du registre des drones maritimes sous pavillon français. Ils doivent également avoir une plaque signalétique inaltérable et fixée.
Un texte devra préciser concrètement les caractéristiques de ces éléments.
Contrôle de sécurité
Avant son enregistrement, le drone doit être soumis à un contrôle de sécurité, effectué par les personnes habilitées suivantes :
- les administrateurs des affaires maritimes ;
- les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer ;
- les agents de l'État habilités en ce sens par le ministre chargé de la mer ;
- les agents du guichet unique du registre international français.
Concrètement, le contrôle consistera à examiner les documents transmis par l'exploitant ou par le propriétaire, complété, le cas échéant, par une visite de sécurité.
Notez que le coût engendré par le contrôle de sécurité (études, expertises, analyses, essais, épreuves, déplacements et visites) est à la charge du propriétaire ou de l’exploitant.
Règles de propriété
Sauf exception, les drones maritimes ont le même régime juridique que les navires en matière de :
- créances privilégiées ;
- publicité de la propriété et de l’état du bien ;
- hypothèques maritimes ;
- saisies ;
- copropriété ;
- vente.
Notez que, de la même manière qu’un navire, un drone maritime doit être assuré ou faire l’objet d’une garantie financière.
Autorisation et formation
Concernant les drones submersibles, leur exploitation est soumise à une autorisation préalable du représentant de l'État en mer. Notez que l’absence de réponse plus de 2 mois vaut rejet. La procédure à suivre doit encore être précisée par les pouvoirs publics.
Il en va de même pour les certificats de prévention de la pollution dont les modalités restent à préciser.
Tout opérateur de drone, c’est-à-dire toute personne conduisant manuellement à distance ou surveillant et modifiant la trajectoire de l’appareil, doit être titulaire d'un certificat d'opérateur de drone maritime et avoir suivi une formation, approuvée par arrêté du ministre chargé de la mer et dispensée par le fabriquant du drone.
Notez que l’aspect formation du texte n’entrera en vigueur que dans 18 mois, soit le 24 novembre 2025.
Opérer un drone sans ce certificat ni formation est passible d’une amende prévue pour les contraventions de 5e classe.
En conclusion
Si le cadre général est posé, des textes complémentaires doivent venir préciser les modalités de mise en œuvre de ces règles.
Affaire à suivre…
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Reconnaissance faciale dans les aéroports : permettre aux passagers de garder la face !
Le passager au cœur du stockage de ses données
Pour rappel, la reconnaissance faciale est une technique qui utilise les traits du visage pour :
Très concrètement, cette technologie s’appuie sur des photographies ou des enregistrements desquels on extrait des données biométriques afin de créer un « gabarit ».
La reconnaissance faciale se fait ensuite par comparaison entre le gabarit de la personne à authentifier ou identifier et les autres modèles.
Cette technique se répand partout dans le monde et, notamment, dans le secteur aéroportuaire. Le passager est ainsi invité à scanner sa carte d’embarquement et son document d’identité avec lequel sera comparé son visage pour passer les contrôles sans avoir à présenter à nouveau ses documents.
En revanche, ce système peut présenter des dangers en matière de protection des données biométriques qui sont, d’après le RGPD, des données personnelles.
Si la CNIL avait déjà donné ses recommandations pour assurer le respect des droits et libertés des passagers, c’est au tour du Comité européen de la protection des données (CEPD) de se prononcer sur le sujet et sur le respect des principes suivants :
Pour respecter les principes énoncés plus haut, le CEPD conseille des solutions de stockage sur des supports offrant aux passagers la possibilité de garder le contrôle sur leurs données, à savoir :
De cette manière, la sensibilité des données recueillies est contrebalancée avec le contrôle rendu aux passagers dans le stockage de ces données.
Enfin, notez que le CEPD indique que seuls les passagers ayant donné leur consentement et s’étant eux-mêmes inscrits devraient pouvoir être contrôlés via la reconnaissance faciale.
- Article du Comité européen de la protection des données (CEPD) du 24 mai 2024 : « Reconnaissance faciale dans les aéroports : les personnes devraient avoir un contrôle maximal sur les données biométriques »
- Article de la CNIL du 24 mai 2024 : « Actualité du CEPD : avis sur l’utilisation de la reconnaissance faciale par les aéroports et les compagnies aériennes »
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C’est l’histoire d’un propriétaire qui réalise (et déduit ?) des travaux dans son logement (locatif ?)…
Parce que son locataire a quitté son logement, un propriétaire y réalise des travaux qu’il déduit de ses revenus fonciers, comme la loi l’autorise. Ce que lui refuse l’administration qui rappelle que si les travaux sont en principe déductibles des revenus fonciers, encore faut-il que le logement soit loué…
Ce qui n’est pas le cas ici, constate l’administration fiscale : le propriétaire a mis son logement gratuitement à disposition de sa fille à la fin des travaux, comme l’atteste son changement d’adresse. Sauf que le logement était bel et bien destiné à être reloué pendant les travaux, conteste le propriétaire. Et pour preuve, le mandat de gestion confié à l’agence immobilière était toujours en cours à la fin des travaux…
« Insuffisant ! », tranche le juge : rien ne prouve que tout a été mis en œuvre pour relouer le logement avant de le prêter à sa fille. Le propriétaire ne pouvait ignorer que le logement ne serait pas reloué à la fin des travaux : leur déduction fiscale est refusée !
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C’est l’histoire d’un employeur pour qui il n’y a plus de saisons…
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Versement mobilité : de nouveaux taux au 1er juillet 2024 !
Versement mobilité : de nouveaux taux à compter du 1er juillet 2024
Pour rappel, les employeurs privés (ou publics) sont redevables du versement mobilité dès qu’ils emploient 11 salariés dans une zone où ce versement est instauré.
Si on connaissait les taux et périmètres applicables depuis le 1er janvier 2024, ces derniers viennent d’être modifiés notamment :
- communauté d’agglomération Redon agglomération ;
- communauté d’agglomération Territoire vendômois ;
- communauté d’agglomération Cap atlantique La Baule - Guérande agglomération ;
- communauté d’agglomération Pornic agglo Pays de Retz ;
- etc.
L’ensemble des nouveaux taux et périmètres applicables peuvent être consultés ici.
