Fiscalité et dispositif anti-abus : qui se cache derrière l’écran ?
Dispositif anti-abus = à la recherche du véritable prestataire…
Dans certains milieux professionnels, il est fréquent qu’une personne domiciliée en France ne perçoive pas directement sa rémunération, cette dernière étant versée à une structure étrangère chargée de fournir les services de cette personne et de lui reverser une partie de sa rémunération.
Le problème de ce type de montage est qu’il permet de faire échapper à l’impôt français des sommes qui, normalement, auraient dû être taxées en France.
C’est pourquoi il existe un dispositif anti-abus qui permet, toutes conditions remplies, de taxer à l’impôt sur le revenu (IR) français les sommes versées à des personnes ou sociétés domiciliées ou établies à l’étranger, dès lors que les services rémunérés ont été exécutés en France ou par une ou plusieurs personnes domiciliées en France.
En application de ce dispositif, la personne domiciliée en France, auteure de la prestation de services, est réputée avoir perçu elle-même les bénéfices ou revenus retirés de cette prestation et, par conséquent, est imposée au titre de ces derniers si :
- elle contrôle directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;
- ou, lorsqu'elle n'établit pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;
- ou, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
Dans une affaire récente, un particulier va être confronté à ce dispositif anti-abus : domicilié en France, il créé une société en Irlande dont il devient associé majoritaire. Cette société conclut un contrat de prestation de service avec une société française.
Dans le cadre de ce contrat, le particulier intervient auprès de la société française pour effectuer des prestations informatiques.
En contrepartie, la société française verse des rémunérations à la société irlandaises au titre des prestations informatiques.
Une situation qui attire l’attention de l’administration : le particulier, domicilié en France, ne perçoit pas directement sa rémunération, cette dernière étant versée à la société irlandaise chargée de fournir les services de cette personne et de lui reverser une partie de sa rémunération.
Partant de ce constat, la mesure anti-abus doit s’appliquer ici, estime l’administration qui taxe personnellement le particulier au titre de son activité de prestations informatiques dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
« À tort ! », conteste le particulier qui rappelle qu’il effectue ces prestations pour le compte de la société irlandaise. Par ailleurs, cette dernière a eu recours à d’autres prestataires en tant que sous-traitants. Et pour preuve, il fournit une attestation d’un chef de projet d’une autre société indiquant les missions qui lui ont été confiées, démontrant que le travail ne pouvait pas être effectué par le seul particulier.
« Insuffisant ! », estime l’administration : la société irlandaise n’est qu’une société « écran » qui n’intervient pas dans la fourniture des prestations informatiques lesquelles sont uniquement exécutées par le particulier, preuves à l’appui :
- la société française et la société irlandaise ont conclu un contrat de prestations de service signé par l’associé fondateur ;
- les comptes rendus d’activité font figurer son nom et mentionnent son nombre d’heures et de jours travaillés auprès de la société française ;
- la société irlandaise se trouve dans un pays à fiscalité privilégiée.
Autant d’indices qui attestent que les prestations litigieuses rémunérées par la société française correspondent à un service rendu par le particulier et que les recettes doivent donc être imposées entre ses mains.
Ce que confirme le juge qui maintient le redressement : si rien ne prouve que la société irlandaise intervient dans la fourniture des prestations de services litigieuses, à l’inverse, tout prouve que le particulier est le véritable prestataire qui doit donc être taxé personnellement en France.
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Jeunes entreprises de croissance : les critères économiques sont disponibles !
JEC : qu’est-ce que la performance économique ?
Pour mémoire, la loi de finances de 2024 a créé une nouvelle déclinaison de la jeune entreprise innovante (JEI) : la jeune entreprise de croissance (JEC).
Ce mécanisme permet aux entreprises éligibles de bénéficier d’exonérations sociales et d’impôts locaux pendant plusieurs années.
Une JEC est une entreprise réalisant des dépenses de recherche, bien que moins importantes qu’une JEI « classique » (montant représentant entre 5 et 15 % de ses charges fiscalement déductibles contre minimum 15 % pour une JEI), mais qui est dite à fort potentiel de croissance en raison de certains critères.
Encore fallait-il avoir ces critères d’éligibilité de croissance !
C’est chose faite grâce à un décret applicable depuis le 1er juin 2024. Une entreprise est une JEC si, outre les autres conditions, elle justifie que :
- son effectif, calculé selon les modalités du Code du travail, a augmenté d'au moins 100 % et d'au moins 10 salariés en équivalents temps plein, par rapport à celui constaté à la clôture de l'antépénultième exercice (c’est-à-dire l’exercice N-2) ;
- le montant de ses dépenses de recherche au cours de cet exercice n'a pas diminué par rapport à celui de l'exercice précédent.
Notez que, pour l’application de ces conditions, l'exercice est ramené ou porté, le cas échéant, à 12 mois.
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Exercice injustifié du droit de retrait = retenue sur salaire ?
Droit de retrait : pas de justification, pas de salaire ?
Le droit de retrait désigne le fait pour un salarié de se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Et, lorsque les conditions du droit de retrait sont réunies, l’employeur ne peut pas opérer de retenue sur salaire en réaction aux journées non travaillées.
Ici, le personnel navigant commercial d’une compagnie aérienne exerce son droit de retrait.
Mais, parce que les conditions de l’exercice normal du droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur décide de procéder à des retenues sur salaire, proportionnelles aux journées non travaillées.
2 organisations syndicales saisissent le juge : selon elles, l’exercice, même injustifié, du droit de retrait ne peut pas donner lieu à une retenue sur salaire tant que l’employeur n’a pas saisi le juge.
En effet, selon cette organisation, seul le juge peut juger du bienfondé (ou non) de l’exercice du droit de retrait. L’employeur doit donc d’abord saisir le juge avant d’opérer une quelconque retenue sur salaire.
Mais l’employeur réfute cet argument : l’exercice du droit de retrait étant illégitime ; il est donc en droit de procéder à des retenues sur salaire proportionnelles aux heures de travail non réalisées.
« Tout à fait ! » pour le juge qui valide la position de l’employeur.
Lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit obligé de saisir préalablement le juge du bienfondé de l’exercice de ce droit par le salarié.
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C’est l’histoire d’une société, d’un produit défectueux, d’une cliente blessée… et d’un assureur…
Une société vend des siphons à crème aux particuliers. En manipulant un siphon, une clientèle se blesse et perd l’usage de son œil droit. Pour couvrir la responsabilité de la société, son assureur verse alors à la cliente une provision sur les indemnités dues…
5 ans plus tard, elle réclame le solde de son indemnisation après avoir reçu l’avis du médecin expert qui considère son état consolidé… Trop tard, pour l’assureur : le délai pour agir en réparation de son préjudice corporel est de 3 ans. 3 ans certes, admet la cliente, mais à compter de la date de consolidation, dont elle vient de faire état… 3 ans effectivement, conteste l’assureur, mais à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance du dommage…
3 ans effectivement, confirme le juge, qui donne raison… à la cliente, rappelant au passage qu’en cas de dommage corporel, la date de la connaissance du dommage doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage !
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Entreprise d’insertion : de nouveaux montants pour l’aide au poste !
SIAE : de nouveaux montants
Pour mémoire, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) se voient attribuer une aide financière lorsqu’elles embauchent en CDD ou en contrat de mission des salariés demandeurs d’emplois, en proie à des difficultés sociales et professionnelles particulières.
Cette aide, revalorisée annuellement, est composée d’un montant « socle » fixé en fonction de l’évolution du SMIC, ainsi que d’un montant « modulé », exprimé en pourcentage du montant socle.
Chaque année, les paramètres de versement de cette aide sont déterminés par un arrêté ministériel qui précise :
- le montant socle de l’aide ;
- le montant maximum de la part modulée ;
- ses modalités de versement.
Et justement, à compter du 1er janvier 2024, le montant socle annuel de l’aide par poste occupé à temps plein est désormais fixé à :
- 12 218 € pour les entreprises d’insertion ;
- 4 688 € pour les entreprises de travail temporaires d’insertion ;
- 1 588 € pour les associations intermédiaires ;
- 23 458 € pour les ateliers et chantiers d’insertion.
Ces montants s’appliquent à toutes les entreprises basées en France, à l’exception de Mayotte.
Le montant maximum de la part modulée est fixé à 10 % de chacun des montants socles désignés.
S’agissant des modalités de versement, le montant socle est versé chaque mois par l’Agence de services et de paiement (ASP).
Le montant de la part modulée, quant à lui, est versé en une seule fois par l’ASP. La détermination du montant de l’aide au poste effectivement versée est déterminée par l’autorité préfectorale en fonction des résultats atteints compte tenu des conditions posées par la loi, et ce montant peut être régularisé en tenant compte du niveau réel d’occupation des postes par les salariés.
Notez, enfin, que le montant de l’aide financière 2024 pour les entreprises d’insertion par le travail indépendant s’élève à 6 443 € pour un volume horaire travaillé de 1 505 heures.
Quant au montant de l’aide versée au titre du « contrat passerelle » conclu par une entreprise d’insertion, il s’élèvera, pour chaque poste occupé à temps plein, à 2 330 €.
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C’est l’histoire d’un propriétaire qui réalise (et déduit ?) des travaux dans son logement (locatif ?)…
Parce que son locataire a quitté son logement, un propriétaire y réalise des travaux qu’il déduit de ses revenus fonciers, comme la loi l’autorise. Ce que lui refuse l’administration qui rappelle que si les travaux sont en principe déductibles des revenus fonciers, encore faut-il que le logement soit loué…
Ce qui n’est pas le cas ici, constate l’administration fiscale : le propriétaire a mis son logement gratuitement à disposition de sa fille à la fin des travaux, comme l’atteste son changement d’adresse. Sauf que le logement était bel et bien destiné à être reloué pendant les travaux, conteste le propriétaire. Et pour preuve, le mandat de gestion confié à l’agence immobilière était toujours en cours à la fin des travaux…
« Insuffisant ! », tranche le juge : rien ne prouve que tout a été mis en œuvre pour relouer le logement avant de le prêter à sa fille. Le propriétaire ne pouvait ignorer que le logement ne serait pas reloué à la fin des travaux : leur déduction fiscale est refusée !
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TVA à taux réduit : il va y avoir du sport !
Yoga, fitness, salles de sport… : un taux réduit de TVA ?
Actuellement, les loisirs sportifs marchands tels que les salles de sport, le fitness, le yoga, le tennis-padel sont soumis au taux normal de TVA fixé à 20 %.
Or, la loi de finances pour 2024 vient récemment d’étendre l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % à certaines pratiques sportives telles que l’équitation et les compétitions d’eSport en raison de leur importance et leur contribution à la société.
Face à cette inégalité de traitement fiscal, il a donc été demandé au Gouvernement s’il était envisagé d’abaisser à 5,5 % le taux de TVA applicable aux activités sportives marchandes, une décision qui semblerait « logique » compte tenu :
- de l'ambition de la France de promouvoir l'activité physique et sportive comme une grande cause nationale en 2024 ;
- de l’objectif exprimé par le Président de la République de faire de la France une « Nation sportive » ;
- du rôle crucial de l’activité physique dans la prévention de nombreuses maladies et dans la lutte contre la sédentarité.
Malheureusement, la réponse est négative : si le Gouvernement ne méconnait pas l’intérêt des activités du secteur des loisirs sportifs marchands en matière de santé publique, il n’envisage pas d’étendre l’application d’un taux réduit de TVA, de manière uniforme, à l’ensemble des activités relevant de ce secteur.
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C’est l’histoire d’un employeur pour qui il n’y a plus de saisons…
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Versement mobilité : de nouveaux taux au 1er juillet 2024 !
Versement mobilité : de nouveaux taux à compter du 1er juillet 2024
Pour rappel, les employeurs privés (ou publics) sont redevables du versement mobilité dès qu’ils emploient 11 salariés dans une zone où ce versement est instauré.
Si on connaissait les taux et périmètres applicables depuis le 1er janvier 2024, ces derniers viennent d’être modifiés notamment :
- communauté d’agglomération Redon agglomération ;
- communauté d’agglomération Territoire vendômois ;
- communauté d’agglomération Cap atlantique La Baule - Guérande agglomération ;
- communauté d’agglomération Pornic agglo Pays de Retz ;
- etc.
L’ensemble des nouveaux taux et périmètres applicables peuvent être consultés ici.
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C’est l’histoire d’un employeur qui subit une double peine…
Un salarié, technico-commercial, démissionne et, 4 mois plus tard, part travailler chez un concurrent. Mais parce qu’il est tenu par une clause de non-concurrence, son employeur lui réclame le remboursement de l’indemnité de non-concurrence qu’il lui a versée…
Ce que refuse le salarié… La clause de non-concurrence, limitée à 1 an sur le territoire national, n’est pas valable selon lui : si elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace, elle doit aussi servir à protéger les intérêts légitimes de l’entreprise. Or ici, il ne voit pas en quoi son poste de technico-commercial sédentaire sur Paris justifierait une telle clause qui l’empêchait de travailler sur le territoire national. Elle est donc nulle, selon lui…
Ce qui confirme le juge… mais qui confirme aussi que, pour prétendre au remboursement de l’indemnité, l’employeur doit prouver que le salarié n’a pas respecté la clause pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée. Preuve qui fait défaut ici…
