Une liberté d’expression… abusive ?
Manque de loyauté ou liberté d’expression ?
Un salarié, agent de sécurité, est mis à disposition d’une entreprise pour exercer ses fonctions. Il constate, lors de sa mission, que son responsable direct (auprès de l’entreprise employeur) ainsi que le responsable sécurité de la société utilisatrice ne respectent pas les consignes de sécurité prévues. Il signale, par courrier, ces agissements au directeur de l’établissement utilisateur.
L’employeur du salarié ayant eu vent du courrier décide de procéder à son licenciement. Il considère que le salarié l’ayant court-circuité en passant directement par le directeur de l’un de ses clients a commis un acte qui pourrait avoir des retombées commerciales négatives. Cela a pour effet de discréditer l’entreprise. Le salarié a donc fait preuve d’un manque de loyauté, ce qui constitue une faute pouvant être sanctionnée par un licenciement.
Le juge n’est pas du même avis. Il rappelle, en effet, que la liberté d’expression s’applique à tous les salariés. Or, pour lui, le salarié n’a pas abusé de cette liberté, l’employeur ne relevant aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif. Le courrier adressé au directeur de l’établissement utilisateur ne peut donc pas constituer un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 12 octobre 2016, n° 15-20887
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Harcèlement au travail : l’employeur, toujours responsable ?
La responsabilité de l’employeur s’étend là où son pouvoir de direction s’arrête
Une salariée est employée comme concierge dans un immeuble. Elle bénéficie à ce titre, dans cet immeuble, d’un logement de fonction pour elle et sa famille. Elle subit un harcèlement continuel de la part des résidents et habitants du quartier et s’en plaint à son employeur. Elle sollicite un changement d’affectation, qui ne sera pas suivie d’effet, l’employeur lui proposant toutefois de la reloger dans une commune voisine.
Finalement, suite à un arrêt maladie, la salariée est déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise. Elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée tient son employeur pour responsable de ce harcèlement et réclame des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Son employeur reconnaît être garant de la santé et de la sécurité morale et physique de ses salariés, mais il ne se considère pas responsable de cette inaptitude qui n’est, ni de son fait, ni de celui des salariés de l’entreprise.
Et le juge lui donne raison. L’employeur n’est pas responsable du harcèlement subi par ses salariés lorsque celui-ci est le fait de personnes étrangères à l’entreprise, qui n’exercent aucune autorité, pour le compte de l’employeur, sur les salariés harcelés.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 19 octobre 2016, n° 14-29624
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Rupture du contrat de travail : un cumul d’indemnités possible ?
Prise d’acte légitime = procédure de licenciement irrégulière ?
Après 3 ans de service, un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et agit en justice. Le juge reconnaît que sa prise d’acte est légitime et qu’elle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié demande alors différentes indemnités.
Etant salarié de plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés, il réclame le versement d’une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale à 6 mois de salaire. Il estime, en outre, qu’il peut prétendre à une indemnité pour licenciement irrégulier puisqu’il a été privé d’une procédure régulière de licenciement. Dans son cas, cette indemnité pourrait être plafonnée à 1 mois de salaire.
Mais le juge n’est pas de cet avis ! Si le salarié doit effectivement percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (équivalente au moins à 6 mois de salaire dans son cas), il ne peut toutefois pas prétendre à l’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière. Cette dernière n’est versée que lorsqu’il y a effectivement eu un licenciement irrégulier. Si la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ne peut jamais consister en un licenciement irrégulier.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 19 octobre 2016, n° 14-25067
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Moins de communication avec l’inspection du travail ?
Des changements mineurs…
Les documents que vous devez impérativement transmettre à l’inspection du travail peuvent concerner toutes les entreprises ou bien seulement certaines d’entre elles, selon leur effectif (comme le règlement intérieur, par exemple), leur organisation ou leur secteur d’activité.
Dans un souci de simplification, certains de ces documents n’ont plus à être transmis à l’inspecteur du travail mais doivent toutefois lui être communiqués, à sa demande. Le tableau suivant récapitule tous ces changements.
Entreprises concernées | Thème | Informations concernées | Mode d’information | |
Avant | Après | |||
Toute entreprise de plus de 100 salariées qui a été mise en demeure de mettre à disposition un tel local | Local d’allaitement | Nom et adresse du médecin chargé de surveiller le local | Transmission à l’inspecteur du travail | Communication, sur demande, à l’inspection du travail |
Entreprises comprenant des installations nucléaires ou susceptibles de donner lieu à des servitudes d'utilité publique faisant appel à des travailleurs extérieurs | Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail élargi | Avis du CHSCT et noms des représentants des entreprises extérieures désignés | Transmission à l’inspecteur du travail dans les 15 jours | Communication, sur demande, à l’inspection du travail |
Entreprises du bâtiment | Collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail | Règlement du collège | Transmission à l’inspecteur du travail, et à l’OPPBTP | Communication, sur demande, à l’inspection du travail ou à l’OPPBTP |
Services de santé au travail interentreprises et médecins du travail | Surveillance médicale des concierges et gardiens d’immeubles d’habitation | Rapport sur l'organisation, le fonctionnement et la gestion financière du service et rapport du médecin du travail | Transmission à l’inspecteur du travail et au médecin inspecteur du travail | Communication, sur demande, à l’inspection du travail et au médecin inspecteur du travail |
Entreprises disposant d’un comité d’entreprise (CE) | Mise en place du temps partiel | Avis du CE | Transmission à l’inspecteur du travail sous 15 jours |
Communication, sur demande, à l’inspection du travail |
Gestion du service social | Rapport sur l’organisation, le fonctionnement et la gestion financière du service | Transmission à l’inspecteur du travail | ||
- Entreprises organisant le travail par relais, par roulement ou par équipes successives - Entreprises dont les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif - Entreprise recourant au travail de nuit | Documents de contrôle de la durée de travail enregistrés sous format électronique | Récépissé attestant que vous avez accompli la déclaration préalable à la CNIL | Transmission à l’inspecteur du travail | Communication, sur demande, à l’inspection du travail |
Toutes les entreprises | Affichage des heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos | Duplicata de cette affiche | Transmission à l’inspecteur du travail | L’obligation de transmission est supprimée. |
Entreprises disposant d’un comité interentreprises | Gestion d’un service social commun | Rapport sur l’organisation, le fonctionnement et la gestion financière du service | Transmission à l’inspecteur du travail | Communication, sur demande, à l’inspection du travail |
Source : Décrets n° 2016-1417 et n° 2016-1418 du 20 octobre 2016 relatif à la simplification des obligations des entreprises en matière d'affichage et de transmission de documents à l'administration
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Affichage : toujours obligatoire ?
Information des salariés : simplification des obligations d’affichage
Vous êtes tenu, par principe, à une obligation d'information de vos collaborateurs salariés dans des domaines très divers, et portant notamment sur les horaires de travail, la convention collective, l’éventuel règlement intérieur, les consignes de sécurité, diverses coordonnées (inspection du travail, services de secours, etc.).
Dans certains domaines, cette obligation d’information par affichage est remplacée par une communication par tout moyen. Le tableau suivant recense les domaines impactés par cette mesure de simplification.
Thème | Qui est concerné par l’information ? | Avant | Après |
Information sur la communication au Pôle Emploi des éléments nominatifs par l’ETT | Intérimaires | Affichage | Communication par tout moyen |
Règlement intérieur | Toute personne ayant accès aux lieux de travail et aux locaux où se fait l’embauche | Affichage : - dans un endroit convenable et facilement accessible dans les lieux de travail ; - dans les locaux (et sur la porte des locaux) où se fait l’embauche. | Communication par tout moyen |
Conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise (leur intitulé, l’emplacement où ils sont tenus à la disposition des salariés pour leur permettre une consultation pendant le temps de présence dans l’entreprise/l’établissement) | L’ensemble des salariés | Un avis est affiché aux emplacements réservés aux communications destinées au personnel. | Communication par tout moyen |
Dérogations au repos accordées par le Préfet en Alsace-Moselle | Salariés des exploitations de mines, salines et carrières, établissements industriels, chantiers du bâtiment et du génie civil, chantiers navals | Affichage | Communication par tout moyen |
Repos hebdomadaire attribué un autre jour que le dimanche dans les entreprises ou établissements dont tous les salariés travaillent au moins une partie de la journée du dimanche | Tous les salariés | Affichage dans un lieu facilement accessible et lisible | Communication par tout moyen |
Information en cas de suspension du repos hebdomadaire | Tous les salariés | Affichage dans l'établissement pendant toute la durée de la dérogation | Communication par tout moyen |
Information sur l’égalité hommes-femmes en matière de rémunération | Toute personne ayant accès à l’entreprise ou l’établissement où travaillent des femmes | Affichage : - dans un endroit convenable et facilement accessible dans les lieux de travail ; - dans les locaux (et sur la porte des locaux) où se fait l’embauche. | Communication par tout moyen |
Liste nominative des membres de l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail | Tous les salariés des établissements concernés par le projet commun | Affichage dans les locaux affectés au travail | Communication par tout moyen |
Procès-verbal des résultats du vote des salariés pour les accords d’entreprise ou d’établissement | Tous les salariés des entreprises ou établissements qui soumettent à leur approbation des accords collectifs | Par voie d’affichage | Communication par tout moyen |
Ordre des départs en congé | Tous les salariés | Affichage dans les locaux normalement accessibles aux salariés | Communication par tout moyen |
Informations sur la Caisse de Congés Payés (nom et adresse) à laquelle l’entreprise est affiliée | Tous les salariés du secteur du bâtiment et des travaux publics Tous les salariés du secteur du spectacle | Affichage à une place convenable et aisément accessible dans les locaux de l'entreprise où s'effectue le paiement des salariés | Communication par tout moyen |
Source : Décrets n° 2016-1417 et n° 2016-1418 du 20 octobre 2016 relatif à la simplification des obligations des entreprises en matière d'affichage et de transmission de documents à l'administration
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Salariés peu qualifiés = majoration des heures de formation
Une obligation de déclaration : pour qui ?
A partir du 1er janvier 2017, les salariés qui n’ont pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme de niveau V (BEP/CAP), ou un titre professionnel classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles, ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche, pourront prétendre à une majoration de leur crédit d’heures de formation.
Leur compte personnel de formation sera alimenté à hauteur de 48 heures par an au lieu de 24 et le plafond, en principe de 150 heures, est relevé à 400 heures. Pour cela, ils devront effectuer une déclaration via la plateforme numérique, gérée par la Caisse des dépôts et consignations. Ils ne pourront acquérir des droits à majoration qu’à partir du 1er janvier 2017, même si leur compte personnel de formation a été créé avant.
Si le salarié ne remplit plus les conditions pour bénéficier de la majoration, il doit le déclarer également sous peine de sanction pénale (pour faux ou tentative d’escroquerie).
Source : Décret n° 2016-1367 du 12 octobre 2016 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité
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Sanctionner un salarié : une question de mesure
Une grave erreur n’est pas automatiquement une faute grave !
Un chauffeur routier, pris dans des embouteillages, décide de modifier son itinéraire. Il a, en effet, l’habitude de cette route et de ses raccourcis, puisqu’il exerce, sans accroc, son activité depuis 21 ans. Voulant gagner un peu de temps, il emprunte une voie traversée par un pont. Mais c’était sans compter le changement de remorque de son véhicule. Le chauffeur routier a percuté le pont, endommageant de manière importante le camion. Cette faute lui vaut d’être licencié, ce qu’il conteste.
L’employeur souligne que le fait, pour un chauffeur routier, professionnel de la route, de ne pas tenir compte de la signalisation constitue une négligence grave. Que cette négligence, pouvant causer de lourdes répercutions sur les usagers de la route, mais aussi sur le matériel de l’entreprise, ne peut être ni excusée ni atténuée par l’ancienneté et l’exemplarité du salarié. Que cette erreur de conduite, caractérise une faute grave, motif de licenciement, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Mais le juge n’est pas de cet avis ! Compte tenu de l’ancienneté (21 ans), mais également de l’absence d’antécédents disciplinaires du salarié, le fait d’avoir commis une erreur de conduite, endommageant un véhicule, ne rend pas son maintien dans l’entreprise impossible. L’employeur ne pouvait donc pas licencier son salarié, et aurait dû très certainement envisager une autre sanction…
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 20 octobre 2016, n° 15-14530
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Paiement du salaire : effectif ?
L’employeur doit verser un salaire et le prouver !
Un opérateur de station-service reproche à son employeur de ne pas avoir reçu le paiement de sa paie du mois de janvier. Il produit la copie de son bulletin de salaire sans pour autant démontrer, par un relevé de compte, que ce chèque n’a pas été encaissé. Est-ce vraiment suffisant pour réclamer un nouveau versement à son employeur ?
Oui, répond le juge. Ce n’est pas au salarié d’apporter la preuve qu’il n’a pas reçu le paiement de son salaire, mais bien à son employeur de prouver, par une pièce comptable, que le versement a été effectué. Le salarié est donc en droit de réclamer un second versement de son salaire.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 19 octobre 2016, n° 15-23852
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Succession de marchés : un transfert des salariés sous conditions ?
Pas de transfert si les prestations prévues au marché sont différentes ?
Une entreprise de nettoyage gagne un marché et propose un nouveau contrat de travail, avec période d’essai, à la salariée déjà affectée sur le site par l’entreprise de nettoyage sortante. La salariée refuse d’être soumise à une période d’essai, estimant que la succession de marchés entraîne le transfert de son contrat de travail, avec maintien de toutes ses conditions.
Pour l’entreprise, il ne peut y avoir transfert du contrat de travail car si les marchés successifs portent effectivement sur les mêmes locaux, la prestation commandée par le client n’est toutefois pas identique à la précédente. Elle rappelle que le client avait sollicité une 1ère entreprise de nettoyage pour une prestation réduite, ponctuelle, dans des locaux inoccupés. La différence de consistance du marché empêche donc le transfert du contrat de travail. Du moins, l’estime-t-elle.
A tort, d’après le juge ! La salariée est demeurée affectée au même site, au profit de plusieurs clients, peu importe que la prestation ait été ponctuellement réduite par le dernier client. Elle remplissait les conditions de transfert de son contrat de travail. La nouvelle entreprise de nettoyage a donc rompu le contrat de travail de la salariée sans cause réelle et sérieuse.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 octobre 2016, n° 15-18178
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Contrat de travail intermittent : faut-il prévoir les horaires de travail ?
Travail intermittent oui, mais travail imprévu non !
Une entreprise conclut plusieurs contrats de travail intermittents avec différents salariés, comme le lui permet sa convention collective. Chaque contrat impose à l’employeur de respecter un délai de 5 jours de prévenance avant chacune des missions de travail.
Les salariés reprochent à leur employeur de ne pas avoir précisé dans les contrats de travail les périodes d’activité et les horaires de travail hebdomadaires. Ils ajoutent que, malgré le délai de prévenance prévu aux contrats de travail, il arrivait à leur employeur de les appeler la veille pour le lendemain en les menaçant, en cas de refus ou d’indisponibilité, de ne pas leur proposer de nouvelles missions. Cette situation inconfortable les plaçait continuellement à la disposition de leur employeur. Ils réclament donc la requalification de leurs contrats intermittents en contrats à temps complet.
L’employeur rappelle pourtant que les salariés avaient pu suivre avec succès des études universitaires en même temps que leur emploi. En se rendant régulièrement à l’université, ils n’étaient donc pas placés, de manière constante, à sa disposition.
Mais les juges ne sont pas de l’avis de l’employeur. Le fait, pour les salariés, de ne connaître, ni les périodes d’activité, ni leur planning hebdomadaire ne leur permettait pas de prévoir leur rythme de travail. De plus, le fait, pour leur employeur, de ne pas respecter le délai de prévenance de 5 jours prévu au contrat, et ainsi de faire travailler du jour au lendemain ses salariés, les maintenait constamment à sa disposition. Les contrats de travail n’étaient donc pas exécutés de manière intermittente, mais à temps complet.
Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 19 octobre 2016, n° 15-20155, 15-20156, 15-20157, 15-20158
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