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Rompre par anticipation un contrat de travail

Rupture anticipée du CDD : mode d'emploi

Date de mise à jour : 06/10/2023 Date de vérification le : 06/10/2023 18 minutes

Vous avez embauché un salarié en CDD, mais il s’avère qu’il ne donne pas entière satisfaction. Vous envisagez donc de mettre fin prématurément au CDD. Est-ce possible ? Comment faire ? De son côté, le salarié peut-il prendre l’initiative de la rupture ? A quoi devez-vous faire attention : que pouvez-vous faire, que devez-vous faire, que ne devez-vous surtout pas faire ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Rupture anticipée du CDD : mode d'emploi

Qui a l’initiative ?

Appréciez la notion de « rupture anticipée »… Pour qu’il y ait « rupture anticipée », cela suppose que le CDD n’est pas arrivé à son terme. Si le contrat est conclu à terme précis, la rupture sera « anticipée » si elle intervient avant la date de la fin du contrat (même si l’objet du contrat est réalisé). Si vous avez conclu un CDD à terme imprécis, le caractère anticipé sera reconnu si vous mettez fin au contrat pendant la période minimale et, au-delà, avant la réalisation de son objet.

Des cas limités… La loi n’autorise la rupture anticipée du contrat à durée déterminée que dans des cas précis et limités, en dehors de l’hypothèse où le salarié et l’employeur se mettent d’accord pour mettre fin de manière anticipée au contrat.

Cas spécifique de la clause d’indivisibilité. Une clause d’indivisibilité permet de lier le contrat de travail d’un salarié au sort du contrat de travail d’un autre. En principe donc, si un des contrats est rompu, l’autre le sera automatiquement aussi, en raison de cette clause. Attention ! Si vous embauchez des salariés avec une clause d’indivisibilité, celle-ci ne doit pas avoir pour effet de permettre la rupture par anticipation des 2 contrats. Aussi, même si le contrat de l’un des salariés est rompu d’un commun accord, par exemple, le contrat de l’autre perdurera (sinon, vous encourez le risque d’avoir à payer à ce dernier des dommages-intérêts).

Un commun accord ? C’est évidemment l’une des hypothèses de rupture anticipée du CDD, qui ne pose pas en soi de difficultés particulières. Il est toutefois vivement conseillé de formaliser par écrit cet accord sur le fait de rompre le contrat avant son terme prévu, de manière à conserver une preuve du caractère clair et non équivoque de la volonté de mettre fin au contrat. Dans cette hypothèse, le salarié aura droit à l’indemnité dite de précarité (égale à 10 % de la rémunération brute totale versée au salarié, ou, 6 % de cette même rémunération si une convention ou un accord de branche ou d’entreprise le prévoit permettant un accès privilégié à la formation professionnelle).

Le saviez-vous ?

Les juges ont, à cet égard, reconnu que la rupture d’un CDD d’un commun accord, par avenant dûment approuvé par l’employeur et le salarié, est valable, dès lors qu’il est effectivement établi que le consentement du salarié est clair et non-équivoque et qu’il n’a pas été obtenu par la contrainte.

Si ce n’est pas le cas… En dehors de cette hypothèse, un CDD peut être rompu, à l’initiative du salarié ou de l’employeur, dans des cas très précis.


Une rupture à l’initiative du salarié

1ère hypothèse : embauche en CDI. Si le salarié obtient une embauche en CDI dans une autre entreprise, il lui est alors loisible de rompre par anticipation son contrat de manière unilatérale, sans qu’il puisse cependant bénéficier de l’indemnité de précarité. Il faut toutefois qu’il justifie d’une embauche dans une autre entreprise, par la conclusion d’un CDI ou d’une promesse d’embauche indiquant la date de l’embauche par exemple (une simple convocation à un entretien d’embauche ne suffit pas à justifier une rupture anticipée).

Un préavis. Dans ce cas, le salarié doit respecter un préavis (sauf accord des parties), en principe égal à 1 jour par semaine travaillée, dans la limite de 2 semaines (les conventions collectives peuvent prévoir des durées différentes). Pour calculer ce préavis, vous devez tenir compte :

  • de la durée totale du contrat, renouvellement inclus, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;
  • de la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.

2ème hypothèse : faute grave de l’employeur. Le salarié peut rompre par anticipation le contrat en cas de faute grave de l’employeur : ce pourra être le cas, par exemple, si l’employeur ne verse pas le salaire dû. Le salarié devra prouver la faute grave et pourra solliciter auprès du juge le paiement de dommages-intérêts

Démission équivoque ? Une salariée, qui avait adressé une lettre de démission pour rompre par anticipation son CDD puis s’est rétractée, a considéré qu’il s’agissait d’une démission équivoque. Elle réclamait alors des indemnités à son employeur, qui lui avait retourné ses documents de fin de contrat. Mais le juge a refusé, estimant que sa lettre caractérisait sa volonté claire et non-équivoque de rompre son contrat, alors même qu’elle ne répondait pas aux conditions de rupture anticipée prévues par la Loi.


Une rupture à l’initiative de l’employeur

1ère hypothèse : faute grave du salarié. L’employeur, de son côté, peut également rompre unilatéralement le CDD si le salarié se rend coupable d’une faute grave : cette situation suppose que l’employeur respecte les formalités de la procédure disciplinaire, au risque de voir la rupture anticipée du CDD qualifiée d’abusive, étant précisé que la faute grave est celle d’une importance telle que le maintien du salarié fautif dans l’entreprise s’avère impossible.

Attention. Pour que la rupture anticipée du CDD ne soit pas considérée comme abusive, il est essentiel de qualifier avec exactitude la faute grave. Ne faites pas comme cet employeur qui a rompu un CDD pour faute grave parce qu'un salarié a refusé une nouvelle affectation : le juge l’a sanctionné, estimant que le refus par le salarié en CDD d’un changement de ses conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave.

Ce qu’il faut faire dans ce cas… Vous devez convoquer le salarié à un entretien préalable le plus rapidement possible et dans la limite de 2 mois après avoir eu connaissance des faits. Respectez un délai raisonnable entre l’envoi de la convocation et la tenue de l’entretien. Il est impératif que vous motiviez la sanction et que vous notifiiez au salarié concerné cette sanction, qui ne peut intervenir moins de 2 jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Un exemple. C’est ainsi, par exemple, que les absences injustifiées d’un salarié embauché en contrat de professionnalisation à durée déterminée lors d’une journée de formation et de 3 réunions de travail ont pu justifier la rupture anticipée du contrat pour faute grave.

Conseil. Respectez impérativement la procédure disciplinaire. Voici l’amère expérience vécue par un employeur exploitant un hôtel qui a embauché un salarié pour la période estivale : il l’a autorisé à s’absenter quelques jours pour passer un examen, mais le salarié n’est jamais revenu. Considérant qu’il a abandonné son poste, il a estimé que le salarié avait rompu le contrat. Mais le salarié a considéré que la rupture du CDD était imputable à l’employeur. Pourquoi ? Parce que l’employeur n’a pas engagé de procédure disciplinaire pour mettre un terme au contrat, ce qui n’a effectivement pas été fait. Et le juge lui a donné raison. Moralité : l'employeur a dû verser des dommages-intérêts parce que le CDD a été rompu, à son initiative, en dehors des cas légalement admis.

Reprocher des faits antérieurs ? En cas de CDD successifs, le juge précise que la faute de nature à justifier la rupture anticipée du CDD doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat. Dès lors, un employeur ne peut pas rompre un 3e CDD pour des fautes prétendument commises lors du 2e CDD. 

2ème hypothèse : inaptitude. La loi prévoit que l’employeur puisse rompre le CDD en cas d’inaptitude physique du salarié constatée par un médecin du travail. Une fois le constat de l’inaptitude dressé par le médecin du travail, vous avez un mois (à compter du constat par le médecin du travail) pour proposer un autre poste au salarié, adapté à ses capacités. A défaut de reclassement, vous pouvez décider de rompre le contrat, cette rupture ouvrant droit, en plus de l’indemnité de précarité, à une indemnité spécifique égale :

  • au minimum à l’indemnité légale de licenciement (en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle),
  • au minimum, au double de l’indemnité légale de licenciement (en cas d’inaptitude d’origine professionnelle).

À noter. Si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail ou si le contrat n’est pas rompu, vous êtes tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

À savoir. La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que, dans l’hypothèse d’une rupture d’un CDD pour inaptitude du salarié, constatée par le médecin du travail, il n’y a pas lieu de convoquer le salarié à un entretien préalable.

Le saviez-vous ?

Le CDD peut également être rompu en cas de force majeure : cette force majeure se définit comme un évènement imprévisible et irrésistible qui rend impossible la poursuite du contrat. Un simple aléa ou des difficultés économiques ne peuvent pas être retenus au titre de la force majeure, ni même la fermeture administrative d’un établissement, ce qui explique que ce motif de rupture anticipée est rarement reconnu en pratique…

Notez que, par principe, si le CDD est rompu par anticipation pour force majeure, le salarié n’a droit à aucune indemnisation, sauf si la force majeure résulte d’un sinistre.


Attention aux sanctions !

Strictement encadré ! En dehors des cas précités, vous (ou le salarié) ne pourrez pas rompre le CDD. Par exemple, si le salarié fait preuve d’insuffisance professionnelle, vous ne pourrez pas rompre par anticipation son contrat, sauf à démontrer une volonté de sa part de mal faire son travail qui nuit à l’entreprise et prouver ainsi une faute grave de sa part. De même, rappelons que le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail à durée déterminée ne vous autorise pas à rompre de manière anticipée ce CDD (sauf, là encore, si ce refus constitue une faute grave caractérisée).

Des sanctions sont prévues. Si vous rompez un CDD en dehors de cas prévus, vous pouvez être condamné par le conseil des prud’hommes au versement de dommages-intérêts représentatifs des salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’au terme de son contrat, en plus des indemnités de précarité et de congés payés, sans compter éventuellement le versement de dommages intérêts pour le préjudice subi.

À retenir

Retenez que la rupture anticipée du CDD, qu’elle soit de votre initiative ou de celle du salarié, n’est possible, en dehors de l’accord commun des parties, qu’en cas de faute grave, d’inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail, de force majeure ou d’embauche du salarié en CDI.
 

J'ai entendu dire

J’ai embauché un salarié en CDD qui a quitté l’entreprise avant le terme de son contrat : est-ce que je dispose de recours contre lui ?

De la même manière qu’une rupture anticipée à l’initiative de l’employeur en dehors des cas prévus est sanctionnable, vous pouvez poursuivre le salarié en paiement de dommages-intérêts. Mettez-le en demeure de justifier son absence ou de reprendre son travail ; à défaut de réponse, vous pourrez enclencher une procédure de rupture pour faute grave.
 
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Sources
  • Articles L1243-1 à L1242-4 du Code du travail
  • Articles L1332-1 à L1332-3 du Code du travail
  • Articles L1226-4-3 et L1226-20 du Code du travail
  • Article 1218 du Code civil
  • Circulaire du 30 octobre 1990 relative au contrat de travail à durée déterminée et au travail temporaire (DRT n° 18/90)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 juin 2005, n° 03-43192 (la fermeture administrative ne constitue pas un cas de force majeure)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 25 juin 2013, n° 11-30298 (rupture d’un CDD de professionnalisation pour faute grave)
  • Avis de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 octobre 2013, n° 12-15013 (pas d’entretien préalable en cas de rupture d’un CDD pour inaptitude)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 novembre 2013, n° 12-16370 (rupture abusive d’un CDD en cas de refus d’un changement de poste)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 avril 2014, n° 13-11231 (abandon de poste et CDD)
  • Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 20 janvier 2015, n° 12-09002 (rupture anticipée CDD pour force majeure)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 mai 2015, n° 14-12507 (exemple faute grave justifiant une rupture anticipée du CDD)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 6 octobre 2015, n° 14-19126 (maintien de l’indemnité de précarité en cas d’accord sur la rupture anticipée du CDD)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 décembre 2015, n° 14-21360 (rupture anticipée du CDD par avenant)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 juillet 2017, n° 16-17690 (CDD et clause d’indivisibilité)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 juin 2020, n° 18-24975 (rétractation après démission d’un CDD)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 18-22068 (exemple d’une rupture anticipée abusive)
  • Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 février 2023, n° 20/05826 (NP) (rupture anticipée du CDD et inaptitude)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 mars 2023, n° 21-17227 (rupture anticipée du CDD pour des faits commis lors d'un CDD antérieur)
  • Arrêt de la cour d’appel de Douai, du 14 avril 2023, n° 21/00507 (NP) (rupture anticipée du CDD pour faute grave)
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