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Le droit d’alerte du commissaire aux comptes : comment ça marche ?

Date de mise à jour : 23/09/2021 Date de vérification le : 23/09/2021 12 minutes

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, les dirigeants doivent être réactifs afin de ne pas mettre en péril la vie de l’entreprise. Pour les aider à se saisir aux plus vite de la situation, le commissaire aux comptes de la société peut exercer son « droit d’alerte », afin d’attirer leur attention sur les difficultés qu’il relève. Explications.

Rédigé par l'équipe WebLex.


Procédure d’alerte : pourquoi et par qui ?

Son but. La procédure d’alerte est un mécanisme de prévention qui doit permettre d’alerter les dirigeants d’une entreprise sur ses défaillances, avant que celles-ci ne s’aggravent.

Donc. Il s’agit de permettre aux dirigeants de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la continuité de leur activité.

Droit d’alerte : par qui ? Le « droit d’alerte » appartient au commissaire aux comptes (CAC) de la société.

Le saviez-vous ?

Pour les exercices clos à compter du 26 mai 2020, les sociétés tenues de désigner un CAC sont celles qui dépassent 2 des 3 seuils suivants :

  • un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 8 M € ;
  • un total de bilan supérieur à 4 M € ;
  • un nombre moyen de salariés supérieur à 50.


Procédure d’alerte : dans quels cas ?

Situations concernées. Le commissaire aux comptes de la société use de son droit d’alerte lorsqu’il relève, à l’occasion de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de la société.

C’est-à-dire ? Les faits en question sont des dysfonctionnements, qui peuvent être de différente nature.

Des éléments comptables… Les dysfonctionnements peuvent être de nature comptable, et par exemple, provenir de l’examen des comptes annuels, ou de l’établissement du bilan des dettes de l’entreprise.

… ou économiques. Ils peuvent également résulter d’éléments de nature économique, comme par exemple l’évolution du nombre de clients de l’entreprise ou de ses coûts de production.


Procédure d’alerte : comment ?

3 étapes distinctes. La procédure d'alerte du commissaire aux comptes se déroule, au sein de la majorité des sociétés commerciales (SNC, SARL, SCS, SCA ou SAS), en 3 étapes.

1ère étape : la demande d’explications au dirigeant. En premier lieu, le commissaire aux comptes qui constate des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation doit demander au dirigeant de la société de s’expliquer, par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé sans délai.

Réponse du dirigeant. Le dirigeant doit répondre à ce courrier dans un délai de 15 jours à compter de sa réception, et proposer des solutions pour remédier à la situation.

A noter. Le dirigeant doit adresser une copie de sa réponse au comité d’entreprise ou, à défaut, au délégué du personnel et, s’il en existe un, au conseil de surveillance.

Information du président du tribunal de commerce. Le commissaire aux comptes doit aussi informer le président du tribunal de commerce de la réponse qu’il a reçue, ou de l’absence de réponse à son courrier. Il peut, à cette occasion, demander à être entendu par lui.

2ème étape : le rapport spécial à l’assemblée. A défaut de réponse du dirigeant, ou en cas de réponse insuffisante de sa part, le commissaire aux comptes doit rédiger un rapport spécial sur les dysfonctionnements relevés, et inviter le dirigeant, dans un délai de 15 jours à compter de la réception du courrier, à faire délibérer l’assemblée générale (AG) des associés sur les points qu’il a relevés.

Information du président du tribunal de commerce. Le commissaire aux comptes doit, sans délai, adresser une copie de sa lettre au président du tribunal de commerce par lettre recommandée avec avis de réception.

Informations des représentants du personnels. Dans les 8 jours qui suivent la réception du rapport spécial et de l’invitation par le CAC à faire délibérer l’AG, le dirigeant doit les communiquer au comité d’entreprise, ou, à défaut, au(x) délégué(s) du personnel.

Convocation à l’AG. Il doit également, dans ce délai, convoquer l’assemblée générale, qui doit se tenir, au plus tard, dans le mois suivant la date de l’invitation faite par le CAC.

Et si le dirigeant ne procède pas à la convocation ? Si le dirigeant ne convoque pas l’assemblée générale, malgré l’invitation faite par le CAC, celui-ci peut la convoquer lui-même dans les 8 jours qui suivent l’expiration du délai imparti au dirigeant pour le faire. Il fixe alors l’ordre du jour, et le lieu de la réunion.

Le saviez-vous ?

Les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.

3ème étape : l’avis au président du tribunal de commerce. Si l’assemblée générale n’apporte pas de réponses suffisamment adaptées pour le CAC, celui-ci a l’obligation, sans délai, d’informer le président du tribunal de commerce de ses démarches et de leurs résultats. Ce dernier peut alors convoquer le dirigeant de la société, et entendre, à sa demande, le commissaire aux comptes.

Fin de la procédure. La procédure d’alerte peut prendre fin dès lors que le commissaire aux comptes considère que la situation de l’entreprise a été corrigée efficacement.

Bon à savoir. La responsabilité du commissaire aux comptes ne peut pas être engagée en raison des informations ou des divulgations de faits auxquelles il a procédé dans le cadre de ses missions.

Focus sur les sociétés anonymes (SA). Notez que la procédure d’alerte au sein des sociétés anonymes (SA) est propre à ce type de société. Elle se décompose en 4 étapes : l’information du président du conseil d’administration ou du directoire (selon la forme de direction adoptée par la société), la réunion de ce même conseil, le rapport à l’assemblée générale des actionnaires, et enfin l’avis au président du tribunal de commerce.


Coronavirus (COVID-19) et droit d’alerte du CAC

Contexte. L’épidémie de coronavirus et ses conséquences ont contraint le droit à s’adapter à cette situation exceptionnelle.

Aménagements de la procédure. Les modalités de la procédure d’alerte du CAC ont été aménagées pour la période qui court du 22 mai 2020 au 31 décembre 2021.

D’abord. Lorsque le CAC estime que l’urgence rend nécessaire l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou propose des mesures insuffisantes, il peut en informer le président du tribunal compétent dès la première alerte adressée au président du conseil d’administration ou de surveillance (dans le cas d’une société anonyme), ou au dirigeant (dans le cas d’autres sociétés).

Modalités de l’information. Dans ce cas, le CAC avise le président du tribunal par tout moyen et sans délai de ses constats et démarches. Il lui adresse la copie de l’ensemble des documents utiles à l’information qu’il délivre, et l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.

Mais aussi. De sa propre initiative ou à la demande du président du tribunal, le CAC peut transmettre à ce dernier tout renseignement complémentaire de nature à lui donner une information exacte sur la situation économique et financière de l’entreprise. Il peut aussi, à tout moment, demander à être entendu par le président du tribunal.

Secret professionnel. Notez que le CAC n’est pas tenu de respecter le secret professionnel à l’égard du président du tribunal.

A noter. Retenez que cette transmission d’information ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure d’alerte classique.

Pérennisation rolongation de la mesure ! Après avoir été initialement prévue pour une durée temporaire, cette possibilité d’alerte précoce du CAC existe désormais de manière pérenne, sans être limitée dans le temps.

Communication de la Compagnie Nationale des Commissaires aux comptes. Afin de guider les CAC dans le déclenchement et le suivi de leur droit d’alerte, la Compagnie Nationale des Commissaires au Comptes (CNCC) a publié une note explicative le 15 avril 2020.

Principe de prorogation générale des délais. En raison de la crise sanitaire, plusieurs délais ont été prorogés, ce qui signifie, en pratique, que tout acte prescrit par la loi qui aurait dû être accompli pendant une certaine période (appelée « période d’urgence ») est réputé avoir été fait à temps s’il est réalisé dans un certain délai à l’expiration de cette période d’urgence.

Pour les CAC. Cette mesure s’applique à l’alerte des dirigeants sociaux par le CAC : celui-ci ne peut donc, en principe, se voir reprocher d’avoir tardé à agir pendant cette période d’urgence. Notez cependant que sa responsabilité pourra être recherchée par les juridictions en cas de manquement, notamment en cas d’utilisation abusive ou excessive du délai pour agir.

Concernant la procédure d’alerte. L’ensemble des délais prévus par la Loi dans le cadre de la procédure d’alerte sont également concernés par cette prorogation générale des délais : l’accomplissement des différentes formalités liées à leur écoulement respectif peut donc être différé, si nécessaire, pendant la période d’urgence.

Un exemple. Prenons l’exemple d’un dirigeant social qui reçoit une alerte de la part du CAC : il a normalement 15 jours pour lui répondre. S’il reçoit cette alerte pendant la période d’urgence, sa réponse ne pourra arriver que 15 jours après le 24 juin 2020. En revanche, s’il reçoit cette alerte après la période d’urgence, le délai de 15 jours commencera à courir classiquement à compter de la réception du courrier, sans prorogation de délai.

Mise en place d’un dialogue. La CNCC insiste sur l’importance pour le CAC d’établir un dialogue de confiance avec le dirigeant, notamment afin de s’assurer que celui-ci a bien connaissance des aides et outils dont la société peut bénéficier (prêt garanti par l’Etat « PGE », étalement des charges fiscales ou sociales, etc.).

Phase 0. Cette « phase 0 » de diagnostic est donc particulièrement préconisée en cette période de crise : le but est que le CAC puisse partager ses conclusions avec le dirigeant, avant toute mise en œuvre de la procédure d’alerte. Si le CAC décide d’engager une telle procédure, il faut distinguer :

  • le cas des difficultés préexistantes à la crise sanitaire ;
  • et le cas des difficultés qui résultent de la crise sanitaire.

En cas de difficultés préexistantes à la crise sanitaire. Deux situations sont dans ce cas à distinguer :

  • celle où la procédure d’alerte était déjà engagée ;
  • celle où la procédure d’alerte n’était pas encore engagée.

Si la procédure était en cours. Si la procédure d’alerte était en cours au début de la crise sanitaire, le CAC doit en principe respecter les délais relatifs aux différentes phases du droit d’alerte (qui sont cependant susceptibles d’être assouplis en raison de la prorogation générale des délais).

A noter. Il doit cependant tenir compte, dans le cadre du déclenchement des phases successives de la procédure, de la possibilité pour l’entreprise de maintenir ou non une activité, ainsi que de la possibilité d’avoir accès aux mesures prises par l’Etat pour faire face à la fois à ses difficultés antérieures, mais également à celles liées à la crise sanitaire actuelle. Il ne doit se décider qu’après avoir échangé ses conclusions avec le dirigeant.

A défaut de procédure en cours. Si la procédure d’alerte était envisagée sans avoir été enclenchée au début de la crise sanitaire, le CAC doit reconsidérer son analyse au vu du contexte actuel et échanger ses conclusions avec le dirigeant. Il doit notamment évaluer si les mesures d’aides d’Etat dont l’entreprise peut bénéficier sont suffisantes pour lui permettre de faire face à ses difficultés. Si c’est le cas, la procédure d’alerte ne doit pas être enclenchée.

En cas de difficultés existantes en raison de la crise actuelle. Il faut distinguer si l’activité a été totalement arrêtée, partiellement arrêtée ou totalement maintenue.

D’abord : arrêt total de l’activité. Si l’activité a été totalement arrêtée en raison de la crise sanitaire, le positionnement du CAC doit dépendre de l’utilisation ou non des aides de l’Etat par l’entreprise :

  • si les aides d’Etat sont utilisées par l’entreprise, le CAC va devoir déterminer si elles sont ou non suffisantes pour surmonter les difficultés rencontrées ;
  • si le CAC pense que les mesures d’aides peuvent suffire à l’entreprise, il surveille l’évolution de celle-ci pendant 6 mois, et peut déclencher à tout moment la procédure d’alerte s’il constate des signes laissant présager que la continuité de l’exploitation est compromise ;
  • si le CAC pense qu’elles sont insuffisantes, il doit donner l’alerte ;
  • si l’entreprise n’utilise pas les aides d’urgence de l’Etat, il doit déterminer si c’est à défaut de pouvoir y prétendre (dans ce cas l’alerte doit être donnée après que le dirigeant ait été informé, le cas échéant, sur l’éventualité d’un recours aux procédures collectives), ou en raison d’un manquement du dirigeant.

A noter. Dans ce dernier cas, le CAC doit déterminer si l’exploitation est gravement compromise ou non.

Si l’exploitation est effectivement compromise. Dans ce cas, le CAC doit informer le dirigeant sur les procédures collectives et, à défaut pour ce dernier de les mettre en œuvre, doit donner l’alerte.

A défaut. Si le CAC estime que l’entreprise peut surmonter la crise, il doit surveiller son évolution pendant 6 mois et donner l’alerte s’il constate que l’exploitation de l’entreprise ne peut pas perdurer.

Ensuite : en cas de maintien partiel d’activité. Si l’activité de l’entreprise n’a été maintenue que partiellement, le CAC doit suivre le cheminement applicable en cas d’arrêt total d’activité de l’entreprise.

Enfin : en cas de maintien total d’activité. Si l’entreprise a pu totalement maintenir son activité, le CAC doit s’en tenir à la procédure d’alerte classique telle qu’elle est prévue par la Loi, et notamment à l’identification de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Bon à savoir. En tout état de cause, le CAC doit déterminer le moment opportun pour déclencher les différentes phases de la procédure d’alerte, et conserver une certaine souplesse dans l’application des délais initialement prévus par la Loi. Il doit s’attacher principalement au critère de la continuité de l’exploitation, et reconsidérer son analyse au vu du contexte actuel de crise économique.

Une FAQ en ligne. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes a mis en ligne, le 5 juin 2020, une foire aux questions relative aux conséquences de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de coronavirus. Son but est d’accompagner les CAC dans leurs missions en ce temps de crise. La FAQ est disponible ici.

A retenir

Le commissaire aux comptes peut relever, à l’occasion de sa mission, des dysfonctionnements susceptibles d’entraver l’activité de la société. Dans ce cas, il a le droit d’alerter le dirigeant et les associés de la situation, afin que ceux-ci puissent la redresser au plus vite.

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