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Un salarié commet une faute : qualifier la faute lourde

Date de mise à jour : 03/08/2022 Date de vérification le : 03/08/2022 6 minutes

Un de vos salariés rentre de déjeuner tardivement et vous constatez qu’il est en état d’ébriété. Ce n’est pas la première fois que vous constatez un comportement déplacé de lui et, malgré vos précédentes interventions, rien ne change. Vous envisagez de vous séparer de ce salarié, coupable de ce que vous estimez être une faute lourde. Mais est-ce la bonne qualification ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Un salarié commet une faute : qualifier la faute lourde


Faute lourde : qu’est-ce que c’est ?

Définition. La faute lourde ne peut être retenue que dans l’hypothèse où le salarié a réellement eu l’intention de vous nuire ou de nuire à l’entreprise, cette intention devant être déterminante, ce qui explique qu’elle est rarement mise en œuvre en pratique : elle ne résulte pas de la seule constatation d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

L’intérêt de la qualification. Une faute lourde justifie une sanction sévère, dont les conséquences sont lourdes puisqu’elle sera privative d’indemnités de rupture (à l’exception de l’indemnité de congés payés qui reste due). En outre, cette qualification autorise l’entreprise à engager la responsabilité du salarié sur le plan financier.

Le saviez-vous ?

Les sanctions pécuniaires sont interdites. Néanmoins, en cas de faute lourde, vous pouvez engager la responsabilité financière d’un salarié en justice pour autant que la faute lourde, impliquant une intention de nuire à l’employeur, soit établie.

Pour la petite histoire. Un employeur a rompu le préavis d’un salarié démissionnaire, estimant qu’il avait commis une faute lourde, en manquant à son obligation de loyauté, parce qu’il avait immatriculé une société directement concurrente à celle de l’employeur. L’employeur réclamait alors des indemnités. Mais parce que le salarié n’a débuté l’exploitation de son activité qu’après rupture de son contrat de travail, alors qu’il n'était plus tenu d'aucune obligation envers son ancien employeur, aucun manquement à l'obligation de loyauté n’est caractérisé. Non seulement le salarié n’a pas à indemniser son employeur, mais ce dernier doit, en revanche, lui verser une indemnité compensatrice du préavis restant à courir, ainsi que les congés payés correspondants.


Faute lourde : exemples pratiques

Une difficulté. La qualification de faute lourde ayant d’importantes conséquences, elle est à user avec prudence, d’autant que la faute lourde repose sur un élément intentionnel… et qu’il est toujours délicat de prouver une intention. De plus, le fait de commettre des actes préjudiciables à l’entreprise (telle que des falsifications de documents) ne suffit pas à caractériser l’intention de nuire du salarié à l’entreprise.

Exemples. Peuvent tomber sous la qualification d’une faute lourde le dénigrement de l’employeur auprès d’un client ou d’un fournisseur, le détournement de clientèle au profit d’une autre entreprise (notamment si le salarié peut avoir des intérêts directs ou indirects dans cette entreprise), la dégradation volontaire de biens appartenant à l’entreprise, etc. Inversement, ne constituent pas, par exemple, une faute lourde le fait d’encourager un mouvement de grève, des détournements de fonds commis par un salarié, etc.

Cas des salariés grévistes. Des salariés grévistes qui bloquent l’entreprise, interdisant aux salariés non-grévistes de travailler commettent une faute lourde, notamment, si une décision de justice ordonnant leur expulsion a été portée à leur connaissance et qu’ils maintiennent le blocage ou s’ils entravent effectivement la liberté du travail.

Cas d’une mauvaise gestion. Un directeur d’usine, cadre dirigeant, commet une faute lourde en s’attribuant une prime représentant 6 fois son salaire annuel alors qu’il connaît l’impact sur l’entreprise et qu’il a volontairement omis de faire signer l’accord d’octroi de cette prime par le commissaire aux comptes.

Cas des violences volontaires. Il a déjà été jugé que l’agression volontaire et préméditée d’un employeur, lui occasionnant un traumatisme crânien avec une incapacité totale temporaire de travail de 15 jours, témoigne de l’intention du salarié de nuire à l’employeur. La faute lourde est donc, ici, caractérisée et son licenciement justifié.

Cas des menaces. Le salarié qui mime un geste d’égorgement et qui menace de mort son employeur commet une faute lourde caractérisée.

Création d’une entreprise concurrente à celle qui l’emploie. Un salarié qui crée une entreprise concurrente à celle qui l’emploie, sur son temps de travail, à l’aide de ses outils de travail, au mépris de sa clause de non-concurrence et de sa clause d’exclusivité, qui détourne des clients de l’employeur et débauche du personnel commet une faute lourde justifiant son licenciement.

Attitude d’opposition. Le comportement d'opposition au projet d’extension en cours de la part d’un directeur de site, qui y a fait obstacle lors de ses différentes phases, caractérise l’intention de nuire, nécessaire à la faute lourde. Son licenciement est donc validé.

A retenir

De la qualification de la faute découlera la sanction applicable : en effet, la faute lourde va priver le salarié de toute indemnité.

C’est à vous qu’il revient de qualifier la faute, ce qui suppose de réunir tous les éléments justifiant le comportement fautif : constituez-vous un solide dossier en vue de l’application d’une sanction disciplinaire.


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Sources
  • Articles L 1132-1, L 1132-2, L 1152-2, L 1153-2 et L 1153-3 du Code du Travail (interdiction de sanctionner certains comportements)
  • Décision du Conseil Constitutionnel n° 2015-523, QPC du 2 mars 2016 (tous les licenciements doivent donner lieu au versement de l’indemnité de congés payés)
  • Circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983 relative à l'application des articles 1er à 5 de la loi du 4 août 1982 concernant les libertés des travailleurs dans l'entreprise
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 18 décembre 2013, n° 12-15009 (qualification faute lourde)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 mars 2014, n° 12-27051 (faute lourde et droit de grève)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 avril 2014, n° 13-10175 (détournement de fonds commis par un salarié)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 février 2015, n° 13-26843 (exemple de faute lourde non caractérisée)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 22 octobre 2015, n° 14-11801 (caractéristique faute lourde et intentions de nuire)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 mai 2016, n° 14-28353 (grève et faute lourde caractérisée)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 février 2017, n° 15-21064 (pas de faute lourde pour un dénigrement de politique tarifaire)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 juin 2017, n° 15-28115 (faute lourde du cadre dirigeant qui s’octroie une prime exorbitante)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 28 mars 2018, n° 16-26013 (agression volontaire de l’employeur et faute lourde)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 juin 2018, n° 17-18770 (grève et faute lourde caractérisée)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 4 juillet 2018, n°15-19.597 (menaces de mort et faute lourde caractérisée)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 mars 2019, n° 16-27960 (volonté de commettre des actes préjudiciables à l’entreprise et absence de faute lourde)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 mai 2019, n° 17-28943 (création d’une entreprise concurrente et débauchage)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 février 2020, n° 18-16663 (attitude d’opposition d’un directeur de site)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 septembre 2020, n° 18-15753 (indemnité de congés payés et faute lourde)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020, n° 19-15313 (exemple de l’immatriculation d’une société pendant le préavis)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 9 juin 2021, n° 19-26299 (nécessité systématique de prouver la volonté de nuire du salarié : exemple d’une effraction sur un site sensible)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 juin 2021, n° 19-19061 (responsabilité pécuniaire du salarié en cas de faute lourde)
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