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Déléguer ses pouvoirs d'employeur

Date de mise à jour : 07/06/2022 Date de vérification le : 07/06/2022 10 minutes

Devenir chef d’entreprise, c’est prendre de nombreuses décisions au cours d’une journée. Parfois, il peut être tentant de déléguer certaines tâches à ses collaborateurs. Comme, par exemple, l’embauche d’un nouveau salarié, les relations avec la médecine du travail ou encore la gestion de la durée du travail. Une telle délégation peut comporter plusieurs avantages, mais encore faut-il qu’elle soit bien mise en place…

Rédigé par l'équipe WebLex.
Déléguer ses pouvoirs d'employeur


Déléguer ses pouvoirs : dans quel but ?

Une question de responsabilité… Par principe, en tant que chef d’entreprise, vous êtes responsable de l’application des textes légaux en vigueur. Vous êtes, en effet, le garant de la bonne application de la loi au sein de la société. Malgré votre position, il est possible que vous ne puissiez pas maîtriser tous les domaines de l’entreprise, notamment par manque de temps. Vous pouvez alors déléguer certains de vos pouvoirs. …

et de temps ! Lorsque vous ne pouvez plus affronter toutes vos responsabilités tout seul, la délégation de pouvoir peut être une solution. Elle permet également, en plus de diviser la somme de travail, de mettre entre des mains expertes et compétentes des volets entiers de la gestion de la société. La délégation de pouvoir est également une forme souvent appréciée de management.

Principe. La délégation de pouvoir est aussi un moyen de s’exonérer de sa responsabilité pénale. Pour la petite histoire, un dirigeant qui n’avait pas délégué ses pouvoirs s’estimait irresponsable d’un accident mortel du travail parce qu’il n’était pas sur site ; les juges ont estimé que l’absence de délégation de pouvoirs le rendait personnellement responsable de cet accident, causé par un défaut d’information sur l’entretien du matériel en cause. Une fois la délégation d’un pouvoir effectuée dans de bonnes conditions, vous n’êtes plus tenu comme responsable des infractions commises dans ce domaine (ce qui signifie que vous n’encourez pas de peine d’amende ou d’emprisonnement).

Exclusion de l'exonération en matière civile ? L’exonération ne vaut pas en matière de responsabilité civile. Vous restez toujours responsable civilement, même en cas de délégation. Cela signifie que vous pourrez tout de même être tenu d’indemniser les préjudices causés par votre délégataire.

Exclusion de l'exonération en matière pénale ? L’exonération de responsabilité pénale ne pourra pas être possible si vous avez vous-même participé à l’infraction (par exemple dans le cas où vous commettez une faute d’imprudence à l’origine d’un accident du travail) ou si le juge vous reproche une négligence fautive dans l’organisation du travail. De même, il a déjà été jugé que malgré la délégation de son pouvoir disciplinaire, un employeur qui continue de sanctionner ses salariés à la place de son délégataire demeure responsable pénalement si la sanction est discriminatoire, par exemple.

Le saviez-vous ?

Si, en principe, la délégation de pouvoir n’est qu’une faculté, elle peut devenir une obligation. Il a déjà été jugé que lorsque la taille ou l’organisation de l’entreprise empêche le chef d’entreprise de procéder lui-même au contrôle et à la surveillance de l’application des normes juridiques, la délégation de certains pouvoirs devient une obligation.

Dans quels domaines déléguer ? En principe, vous pouvez déléguer vos pouvoirs dans tous les domaines. La pratique de la délégation est courante en matière d’hygiène et de sécurité, mais également dans la plupart des domaines de la matière sociale tels que l’embauche, la durée du travail, la médecine du travail, ou encore la représentation du personnel.

Pas de délégation intégrale ! Une délégation de pouvoirs qui aurait pour effet de vous défaire de toute responsabilité est interdite. Une délégation générale de pouvoirs est donc formellement interdite.


Mettre en place une délégation de pouvoirs

Une délégation avertie/éclairée. Vous êtes assez libre quant aux domaines de compétences que vous pouvez déléguer. Pour autant, si vous voulez faire valoir les délégations mises en place, vous devez vous soumettre à différentes vérifications. Quelques points de vigilance sont donc à prendre en compte tels que les qualités du salarié délégataire mais également la détermination du domaine précis de la délégation par exemple.

Préalable nécessaire : vérifier les statuts de la société. Il peut arriver que les statuts de la société (ou de l’association) vous interdisent formellement toute délégation de pouvoir, ou bien la délégation de certains pouvoirs en particulier. Enfin, certains statuts peuvent envisager que la délégation de pouvoir n’est possible qu’en faveur de certains salariés employés à des postes spécifiques (par exemple, au directeur des ressources humaines ou au responsable administratif et financier).

Qui peut déléguer ? Il n’est possible de déléguer que des pouvoirs que l’on a. Ainsi, si les pouvoirs en matière de recrutement n’appartiennent qu’à un seul organe de l’entreprise, seul cet organe pourra déléguer une compétence liée à ce domaine. En pratique, c’est souvent au chef d’entreprise que revient tous les pouvoirs de direction, et c’est donc vous qui serez souvent l’auteur de nombreuses délégations de pouvoirs.

Le saviez-vous ?

Si les statuts d’une association ne règlent pas la question du pouvoir disciplinaire, ce pouvoir entre dans les attributions du président de l’association. Mais dans ce cas, il peut aussi choisir de le déléguer.

A qui peut-on déléguer ? Les seules personnes habilitées à recevoir une délégation de pouvoir sont les salariés de l’entreprise. Aucune personne extérieure à l’entreprise ne peut recevoir de délégation. Ainsi, la lettre de notification d’un licenciement, signée par un expert-comptable pour ordre de la société qu’il représente, n’est pas valable. Ce licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Sous quelles conditions ? Si, en théorie, tous les salariés peuvent devenir délégataires, ils doivent posséder certaines capacités pour assurer la mission :

  • l’autorité nécessaire ;
  • la compétence dans le domaine délégué, notamment en ayant les connaissances suffisantes ;
  • les moyens nécessaires pour mettre en œuvre la mission ;
  • une certaine indépendance :
  • ○ décisionnelle,
  • ○ financière,
  • ○ disciplinaire.

En pratique. Le salarié qui peut recevoir la délégation de pouvoir doit être en mesure d’assurer sa mission. Il devra donc être à un poste dans l’entreprise qui lui permettra de mener cette mission. Il faut qu’il puisse avoir de l’autorité sur les personnes qu’il va devoir solliciter, mais aussi les connaissances nécessaires. Enfin, son indépendance pour la mission est importante pour qu’il puisse mettre en œuvre sa mission par lui-même, et non sous le commandement d’autres collaborateurs.

Pour combien de temps ? La délégation doit être assez longue pour permettre au salarié de mettre en œuvre sa mission. En principe, les juges considèrent que la délégation de pouvoir par intermittence est nulle parce que le délégataire n’aura pas eu le temps de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation des missions déléguées.

Exemples. Un chef d’équipe qui recevra une délégation de pouvoirs, mais qui devra faire valider chacune de ses décisions par sa hiérarchie, ne sera pas titulaire d’une délégation valable. De même un chef d’entreprise qui délèguera des pouvoirs financiers à un salarié qui a l’interdiction de décider seul des dépenses supérieures à 100 € ne pourra pas se prévaloir de cette délégation.

Co-déléguer ? La co-délégation, ou la délégation au profit de plusieurs personnes, d’un même domaine de compétence n’est, en principe, pas possible. En effet, elle ne permet pas à chaque délégataire de bénéficier d’une indépendance totale en matière décisionnelle. La co-délégation est donc possible à la seule condition qu’aucun des délégataires ne puisse restreindre l’autorité ou les initiatives des autres.

Subdéléguer. La subdélégation, ou la délégation d’une compétence par un salarié ayant déjà reçu une délégation, est possible. Cette « sous-délégation » doit répondre aux mêmes exigences que la délégation en elle-même (à un salarié ayant la compétence, les moyens, les connaissances techniques et juridiques ainsi que l’indépendance nécessaires à la mise en œuvre de sa mission). En pratique, la subdélégation ne nécessite pas l’autorisation du chef d’entreprise.

Un écrit est-il obligatoire ? Il n’est pas obligatoire d’informer par écrit son salarié des pouvoirs qui lui sont délégués. La délégation implicite peut même être reconnue. Pour autant, l’écrit est la meilleure preuve que l’on peut apporter en cas de contentieux. Alors s’il n’est pas obligatoire, il ne peut être que conseillé !

Quel contenu ? La délégation doit préciser l’objet assez précis du domaine délégué, sans être ni trop vague ni trop générale. De plus, vous devez préciser les obligations qui sont liées à cette délégation. Le tout étant ici de préciser clairement au salarié le rôle qui lui est confié. Auquel cas, une déclaration trop générale ne serait pas retenue par les juges, et vous serez alors tenu responsable des fautes commises par le salarié qui était normalement délégataire. Notez, par ailleurs, qu’un licenciement prononcé par le bénéficiaire d’une délégation de pouvoirs trop générale ou trop ambiguë serait sans cause réelle et sérieuse.

Le saviez-vous ?

Dans le cas de changement de direction d’une société, le nouveau chef d’entreprise a tout intérêt à confirmer les délégations de pouvoirs mises en place antérieurement. En effet, les juges, selon le cas, ne reconnaissent pas automatiquement l’existence et la validité des délégations. Il est donc important, lors d’un rachat de société, de se renseigner sur les délégations déjà en place.

Exemple dans un groupe de sociétés. Le licenciement du directeur général d’une filiale prononcé par le directeur général (DG) de la société mère, qui supervisait ses activités, a été validé alors même qu’il ne disposait pas d’une délégation de pouvoir écrite de la filiale.

A retenir

La délégation de pouvoirs permet au chef d’entreprise de gagner du temps et est une solution de management efficace. Elle permet de mettre entre des mains expertes des dossiers juridiquement sensibles et mouvementés. La délégation doit se faire au profit d’un salarié ayant l’autorité, la compétence, les connaissances techniques et juridiques, les moyens et une indépendance suffisante à la mise en œuvre de sa mission.

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Sources
  • Article L 4741-7 du Code du travail (responsabilité civile de l’employeur)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 21 novembre 1973, n° 93-89872 (délégation intermittente ou non permanente est nulle)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 21 octobre 1975, n° 75-90427 (interdiction de la délégation intégrale ayant pour conséquence un abandon complet des responsabilités du dirigeant)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 4 janvier 1986, n° 84-94274 (obligation de délégation lorsque la taille ou l’organisation de l’entreprise ne permet plus au chef d’entreprise de tout gérer)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 8 mars 1988, n° 87-83883 (indépendance décisionnelle du délégataire)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 6 juin 1989, n° 88-82266 (la co-délégation est possible si elle ne restreint pas les pouvoirs de chaque délégataire)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 12 décembre 1989, n° 89-81074 (délégation impossible aux personnes extérieures à l’entreprise)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 29 mai 1990, n° 89-84177 (connaissances techniques et juridiques nécessaires au salarié délégataire)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 14 février 1991, n° 90-80122 (la subdélégation est possible)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 25 juin 1991, n° 90-83846 (confirmation des délégations suite à un changement de direction)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 22 octobre 1991, n° 89-86770 (la délégation n’est pas obligatoirement écrite)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 2 février 1993, n° 92-80672 (la délégation ne doit pas être trop générale)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 30 octobre 1996, n° 94-83650 (la subdélégation doit répondre aux mêmes exigences que la délégation, et ne nécessite pas de l’accord de l’employeur)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 29 avril 1998, n° 97-82420 (délégation possible dans tous les domaines, sauf domaines interdits par la Loi)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 2 octobre 2001, n° 00-87075 (délégation implicite)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 14 novembre 2006, n° 05-83367 (exonération de la responsabilité pénale en cas de délégation)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 12 décembre 2006, n° 05-87125 (la délégation d’une même mission au profit de plusieurs personnes est impossible)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 7 juin 2011, n° 10-84283 (ingérence de l’employeur dans les fonctions de son délégataire demeure responsable)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 3 décembre 2013, n° 12-87266 (délégation à un salarié qui doit faire valider toutes ses décisions est invalide)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, 29 septembre 2016, n° 15-17280 (limitation de pouvoirs par les statuts d’une association)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 avril 2017, n° 15-25204 (licenciement conduit par un expert-comptable)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 31 octobre 2017, n° 16-83683 (responsabilité du dirigeant absent qui n’a pas délégué ses pouvoirs)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 14 mars 2018, n° 16-12578 (président d’association et pouvoir de licencier)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 juin 2018, n° 16-23701 (licenciement du DG d’une filiale prononcé par le DG de la société mère)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 23 mai 2018, n° 17-82456 (décès salarié et condamnation de l’entreprise pour homicide involontaire)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 17 octobre 2018, n° 17-13268 (délégation de pouvoirs « ambiguë » du président d’association)
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 janvier 2021, n° 19-16113 (exemple d’absence de délégation de pouvoir d’une directrice d’association pour licencier)
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