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Diviser son patrimoine : ce qu’il faut savoir sur la présomption légale de propriété

Date de mise à jour : 04/08/2023 Date de vérification le : 04/08/2023 15 minutes

Pour optimiser la transmission de son patrimoine, une personne peut choisir de diviser la propriété de ses biens pour en transmettre la nue-propriété et s’en réserver l’usufruit, c’est-à-dire la jouissance. C’est ce qui s’appelle un démembrement de propriété. Pourtant, l’administration fiscale peut être amenée à se poser la question de la propriété des biens. C’est pourquoi la loi est venue instituer une présomption légale de propriété. De quoi s’agit-il ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Diviser son patrimoine : ce qu’il faut savoir sur la présomption légale de propriété

La présomption légale de propriété : le principe

Une présomption légale... Il s’agit d’une présomption de propriété des biens, établie par la loi, et qui n’a vocation à s’appliquer qu’en matière fiscale. Cette présomption est utilisée par l’administration lorsqu’il est question du calcul des droits de mutation à devoir suite au décès d’une personne.

… de propriété. Cette présomption revient à considérer qu’un bien meuble ou immeuble, dont l’usufruit (c’est-à-dire le droit d’utiliser le bien et, le cas échéant, d’en percevoir les revenus) appartient au défunt et la nue-propriété à ses héritiers potentiels (appelés « héritiers présomptifs »), doit entièrement faire partie de la succession de l’usufruitier pour le calcul des droits de mutation, jusqu’à preuve du contraire, sauf à ce que la donation ait été consentie plus de 3 mois avant le décès, par acte régulier.

Donation inexistante. En clair, la donation de la nue-propriété est présumée inexistante si le décès intervient moins de 3 mois après le démembrement, sauf à ce que la preuve de la sincérité et de la réalité de la donation soit apportée à l’administration.

Un démembrement préalable. Vous l’aurez noté, cette présomption légale de propriété ne trouve à s’appliquer qu’aux hypothèses de démembrement de propriété impliquant un usufruitier et son ou ses héritier(s) présomptif(s) ayant la qualité de nu(s)-propriétaire(s) des biens.

Nus-propriétaires. La présomption légale de propriété n’est applicable que lorsque l’administration se trouve face à un certain type de nus propriétaires, dont la liste est limitativement fixée par elle. Il s’agit des personnes suivantes :

  • héritiers présomptifs de la personne consentant la donation, même s’ils sont renonçants à la succession ou exclus par testament ;

  • donataires (personnes recevant un don) ou légataires (personnes étant désignées héritières par testament), même s’ils obtiennent cette qualité grâce à un testament postérieur au démembrement de propriété, ou s’ils sont renonçants à la succession ;

  • personnes réputées interposées entre le défunt et ses héritiers, ses donataires ou ses légataires : parmi ces personnes interposées, on retrouve les pères et mères, ainsi que les époux et, pour les légataires et donataires uniquement, les enfants et autres descendants.

À noter. La présomption légale de propriété sera utilisée dans tous les cas où le nu-propriétaire a eu, à un quelconque moment, la qualité d’héritier présomptif. Il n’est pas requis qu’il ait eu cette qualité au moment de l’acte constatant le démembrement, ou qu’il l’ait encore au moment du décès de l’usufruitier.

Le saviez-vous ?

La présomption légale de propriété est utilisée la plupart du temps par l’administration elle-même au moment du calcul des droits de mutation. Elle est utilisée plus rarement comme moyen de défense par les nus-propriétaires.

Le juge de l’impôt a eu récemment à se prononcer sur un redressement fiscal au cours duquel le nu-propriétaire a invoqué la présomption légale de propriété. Il indiquait que le décès était intervenu moins de 3 mois après l’acte constatant le démembrement et qu’il était dans l’impossibilité d’apporter la preuve de la sincérité de la donation. Partant de là, il contestait le redressement fiscal qui lui était appliqué sur les droits de donation. Ce que le juge a confirmé : puisque la donation était présumée inexistante, le bien objet du démembrement faisait partie intégrante de la succession. L’administration n’était donc pas fondée à réclamer un supplément d’impôt au nu-propriétaire, au titre des droits payés au moment de l’enregistrement du démembrement.

Une sécurité. Ce mécanisme a été mis en place pour éviter que certaines personnes, volontairement, ne se dépouillent de leur vivant de la nue-propriété de leurs biens au profit de leurs héritiers et ce, pour permettre à ces derniers d’échapper au paiement de l’impôt de succession au moment du décès. En effet, quand un usufruit s’éteint du fait du décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété du bien sans avoir à payer de droits de mutation pour ce bien au moment de la succession !


La présomption légale de propriété : les limites

Des limitations... La présomption légale de propriété ne s’applique pas à tous les cas de démembrement de propriété.

…diverses. Certaines situations de démembrement y échapperont, soit en raison de la nature de l’acte ou de l’évènement ayant conduit à la division, soit en raison du droit détenu par le défunt.

Nature de l’acte. Il ne sera pas tenu compte de la présomption légale de propriété si le démembrement de propriété du bien a pour origine :

  • une donation régulière de la nue-propriété (donation ordinaire ou donation-partage) consentie plus de 3 mois avant le décès de l’usufruitier ;

  • une donation consentie dans un contrat de mariage sans condition de délai ;

  • une succession dévolue au défunt (de son vivant) et à ses héritiers présomptifs, et dans laquelle le 1er a reçu l’usufruit viager d’un bien et les 2ds la nue-propriété ;

  • une disposition testamentaire prévoyant que l’usufruit est légué à une personne et la nue-propriété à ses héritiers présomptifs.

Droit du défunt. Il ne sera pas non plus fait application de la présomption légale dans l’hypothèse où le défunt ne serait pas usufruitier mais disposerait simplement d’un droit d’usage et d’habitation.

À noter. Si le « simple » droit d’usage et d’habitation cache en réalité un véritable usufruit, la présomption légale trouvera à s’appliquer.

Exemple. Une personne vend sa maison, avant son décès. L’acte de vente prévoit que le vendeur se réserve la jouissance d’un logement, jusqu’à la fin de sa vie. Quelque temps plus tard, cette personne décide de placer le logement en location : le droit d’usage et d’habitation ne pouvant pas faire l’objet d’une location, le vendeur dispose en réalité d’un usufruit ! Il faudra donc faire application de la présomption légale de propriété.

Le saviez-vous ?

L’application ou non de la présomption légale de propriété va très souvent résulter de l’appréciation des situations de faits.

C’est le cas, par exemple, des ventes successives de la nue-propriété et de l’usufruit. Une personne vend à ses héritiers présomptifs la nue-propriété d’un bien puis, quelques années plus tard, leur en cède l’usufruit. Dans cette hypothèse, l’administration a considéré que la présomption de propriété n’était pas applicable au moment du décès, à condition toutefois que la cession de l’usufruit soit effective et sincère.


La présomption légale de propriété : la preuve contraire

Une présomption simple. Outre les cas de limitation, il est important de rappeler que la présomption légale de propriété est une présomption simple et qu’en tant que telle, elle peut être combattue par la preuve contraire.

Sincérité de l’opération. S’il souhaite combattre cette présomption, le nu-propriétaire devra apporter la preuve de la sincérité du démembrement de propriété.

Renversement de la charge de la preuve. Vous l’aurez noté, il appartient au nu-propriétaire d’apporter la preuve de la sincérité de l’opération que la loi présume fictive. Cette preuve sera examinée au cas par cas par l’administration.

Exemple 1. Les éléments suivants, à eux seuls, n’ont pas été retenus comme étant des preuves suffisantes par l’administration et le juge de l’impôt :

  • acte de démembrement passé devant notaire ;

  • démembrement de propriété opéré par adjudication, même si le prix est payé comptant ;

  • prix converti en rente viagère, même si la personne pouvait produire des quittances ou des reçus ;

  • travaux d’aménagement (ou autres) réalisés par le nu-propriétaire.

Exemple 2. En revanche, les éléments suivants ont été reconnus comme constituant des preuves suffisantes :

  • démembrement résultant d’un partage complet sincère ;

  • donation de sommes d’argent, constatée par un acte ayant une date certaine, en vue de financer, plus de 3 mois avant le décès, l’acquisition de tout ou partie de la nue-propriété d’un bien, sous réserve bien sûr de pouvoir justifier l’origine des sommes d’argent dans l’acte de donation ;

  • décès intervenu de manière soudaine et imprévue, alors même que l’usufruitier était en bonne santé au moment de la donation.

À noter. Dans cette dernière hypothèse, le nu-propriétaire avait pu fournir une attestation du médecin traitant de l’usufruitier mentionnant qu’il était en bonne santé. De même, il avait fourni les témoignages d’autres personnes qui avaient rencontré l’usufruitier quelques jours avant son décès et qui l’avaient trouvé en bonne santé. Enfin, le nu-propriétaire avait pu apporter la preuve que cette donation s’inscrivait dans la continuité d’une autre donation, effectuée des années auparavant.


La présomption légale de propriété : les effets

Décès. La présomption légale de propriété induit une présomption d’inexistence de l’acte de démembrement. Pour autant, cette présomption ne produit ses effets qu’au moment du décès de l’usufruitier.

Calcul de l’impôt. Si la présomption est applicable, le bien est réputé appartenir (pour sa globalité) au patrimoine du défunt. Partant de là, le nu-propriétaire sera personnellement tenu au paiement des droits de mutation, calculés sur la valeur totale du bien, du fait du décès de l’usufruitier.

Imputation. Pour éviter une double imposition, si le nu-propriétaire a la qualité d’héritier, donataire, légataire, etc., les droits de mutation qu’il aura acquittés au moment du démembrement de propriété s’imputeront sur les droits dus suite au décès de l’usufruitier.

Inversement. À l’inverse, aucune imputation ne sera possible si le démembrement résulte, par exemple, d’une acquisition conjointe ou si le nu-propriétaire a acquis son droit auprès d’une autre personne que l’usufruitier défunt.

Justification. Si le nu-propriétaire souhaite bénéficier de la possibilité d’imputer les droits déjà payés sur ceux restants dus, il devra justifier le montant des sommes qu’il indique avoir déjà réglées. À cet effet, il devra produire l’original ou l’expédition de l’acte de démembrement. À défaut, il pourra fournir à l’administration la date à laquelle la formalité de l’enregistrement a été effectuée.

A retenir

La présomption légale de propriété permet à l’administration, pour le calcul des droits de mutation, de considérer qu’un bien faisant l’objet d’un démembrement de propriété fait partie, pour sa globalité, du patrimoine de l’usufruitier défunt.
 

Si le nu-propriétaire ne peut pas se prévaloir des limites légales, il pourra toujours contester l’application de la présomption en apportant la preuve de la sincérité de la donation.
 

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