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Pour les notaires

Notaire et devoir de conseil : illustrations pratiques

Date de mise à jour : 16/11/2023 Date de vérification le : 16/11/2023 13 minutes

Il n’est pas rare que la responsabilité des notaires soit engagée par des clients mécontents, ou du moins que ces derniers tentent d’obtenir des dommages-intérêts pour ce qu’ils estiment être un défaut de conseil. En voici quelques exemples riches d’enseignement…

Rédigé par l'équipe WebLex.
Notaire et devoir de conseil : illustrations pratiques


Devoir de conseil : de quoi s’agit-il ?

C’est quoi ? La célèbre formule du Conseiller d’Etat Réal rappelle que les notaires sont « les conseils désintéressés des parties aussi bien que des rédacteurs impartiaux de leurs volontés ». En tant que conseil, vous avez l’obligation d’informer le client et de l’aider à contracter en toute connaissance de cause. Vous devez donc fournir l’information « la plus complète » à votre client.

Peu importe la qualité du client. Les compétences et connaissances personnelles du client ne limitent pas votre devoir de conseil (même s’il est lui-même notaire, a estimé le juge). Vous restez redevable de cette obligation en toute circonstance.

Preuve du conseil donné. Il vous faut conserver la preuve du conseil donné. A cette fin, conservez tous les documents écrits. N’hésitez pas également à insérer un avertissement dans l’acte que vous rédigez et à produire, le cas échéant, des reconnaissances de conseil donné. N’oubliez pas d’expliciter le contenu et les effets de ce document !

Le saviez-vous ?

Il existe 3 cas où la clause de reconnaissance de conseil donné est préconisée :

  • lorsque le client ne souhaite pas suivre votre conseil ;
  • si la solution que vous proposez n’est pas certaine (en raison d’une incertitude du droit) ;
  • si vous estimez qu’un litige risque de survenir dans le dossier.

A défaut. En cas de manquement à votre devoir de conseil, vous engagez votre responsabilité. Mais encore faut-il qu’il y ait un dommage pour le client, une faute de votre part et un lien de causalité entre ce préjudice subi et la faute commise.


Devoir de conseil : illustrations pratiques

Illustrations. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples qui permettent d’illustrer votre devoir de conseil.

Devoir de vérification (1). Parce qu’il n’a pas consulté les publications légales afférentes aux procédures collectives, un notaire a engagé sa responsabilité pour ne pas avoir vérifié si les déclarations des vendeurs étaient vraies. Ces derniers déclaraient être en capacité de vendre leur maison et ne pas faire l’objet d’une procédure collective. Déclarations qui se sont révélées être mensongères par la suite.

Devoir de vérification (2). Un notaire n’est pas tenu de rechercher sur Google d’éventuelles informations qu’acheteur et vendeur lui auraient dissimulées. Il doit seulement consulter le registre du commerce et des sociétés (RCS) et le Bodacc s’ils exercent une activité professionnelle indépendante.

Devoir d’efficacité des actes. Un notaire est tenu par un devoir d’efficacité des actes qu’il rédige. Si un acte comporte une mention erronée et cause un préjudice à l’une des parties, celle-ci peut lui réclamer des indemnités.

Un risque apparaît ? Vous êtes tenu d’informer vos clients des éventuels risques encourus à l’occasion d’une opération. Le cas échéant, vous pouvez également refuser d’établir l’acte si les risques sont trop importants.

Terrain inconstructible. Des acquéreurs d’un terrain ont obtenu un certificat d’urbanisme indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la construction. Quelques temps plus tard, le permis de construire a été refusé, au motif que le terrain est inconstructible : le notaire a été condamné parce qu’il n’avait pas informé ses clients que le certificat d’urbanisme ne valait pas autorisation de construction.

Permis de construire. Vous devez avertir votre client lorsqu’il achète un bien construit sans permis de construire. Informez-le également des risques qu’il encourt lorsqu’il achète un terrain alors que le permis de construire n’est pas encore définitif.

Certificat d’urbanisme. Le notaire doit attirer l’attention de l’acquéreur sur la constructibilité du terrain acquis. C’est ce que le juge a eu l’occasion de rappeler à un notaire qui n’a pas vérifier si le terrain acquis par son client était constructible et qui s’est contenté d’annexer au contrat de vente un certificat d’urbanisme qui ne permet pas, à lui seul, de vérifier la constructibilité du terrain.

Affichage de l’autorisation d’urbanisme. Un notaire n’a pas à s’assurer du caractère effectif de l'affichage d’une autorisation d’urbanisme. C’est ce que le juge a rappelé à l’occasion d’un litige opposant un notaire à un acquéreur qui a commis l’erreur de ne pas afficher l’autorisation de transformer un garage en logement, finalement annulée plus d’1 an après la vente (pour rappel, l’absence d’affichage n’a pas fait commencer à courir le délai de 2 mois durant lequel un tiers peut contester l’autorisation).

Absence de dommage-ouvrage. Il a été jugé que ne manque pas à son devoir de conseil, le notaire qui informe de manière précise les acquéreurs d’un immeuble situé en copropriété des conséquences susceptibles de résulter pour eux en cas de malfaçons lorsque le constructeur n’a pas souscrit de dommage-ouvrage.

Opportunité économique. Vous n’êtes pas tenu de conseiller votre client quant à l’opportunité économique de son projet. Ainsi, la cliente d’un notaire qui accepte des engagements dont elle peut savoir qu’ils sont disproportionnés par rapport à sa capacité de remboursement ne peut pas rechercher la responsabilité de son notaire.

Conditions de paiement. Sachez qu’un notaire a été condamné pour ne pas avoir informé spécialement le vendeur sur les conséquences des conditions de paiement insérées dans l’acte qui étaient trop favorables pour l’acquéreur. En l’occurrence, l’acte concernait la vente de 2 parcelles de terrain, le prix devant être payé à terme, au fur et à mesure de la vente des lots composant les terrains. Par la suite, un seul lot a été vendu, ce qui, bien sûr, a amené le vendeur à demander réparation de son préjudice en justice.

Le saviez-vous ?

Si une opération visant une acquisition immobilière est annulée, le prêt bancaire conclu pour financer cet achat sera aussi annulé Si. une faute du notaire a concouru à l’annulation de la vente, il peut être condamné à indemniser la banque pour la perte de chance d’obtenir les intérêts à échoir.

Garanties. Vous devez également conseiller le vendeur afin qu’il prenne des garanties suffisantes pour éviter le risque de non-paiement par l’acquéreur et ce, même si le client est accompagné d’un avocat.

En présence d’une caution… Vous n’êtes pas tenu de vérifier la solvabilité de la caution si rien n’indique qu’il y a un risque de non-paiement par l’acquéreur.

Risque fiscal ? Vous êtes, bien sûr, tenu de conseiller votre client quant aux risques fiscaux de l’opération envisagée. Vous devez même prendre en considération des éléments extérieurs au projet lorsque vous en avez eu connaissance.

Le saviez-vous ?

En cas d’incertitude sur la fiscalité applicable au projet qui vous a été confié, vous devez avertir votre client du risque de perte des avantages fiscaux recherchés.

Cession d’un fonds de débit de tabac. Un notaire s’est vu confié la rédaction d’un acte de cession d’un fonds de débit de tabac. Or, 2 jours après la signature de l’acte, l’administration a résilié le contrat de gérance du débit de tabac au motif que le fonds a été cédé avant qu’elle n’ait pu se prononcer sur la demande d’agrément de l’acquéreur. Ce dernier s’est alors retourné contre le notaire qui a été condamné pour manquement à son devoir de conseil : le professionnel aurait dû reporter la signature de l’acte à une date qui lui aurait permis d’avoir connaissance de l’autorisation ou du refus par l’administration.

Cession d’un fonds de commerce à usage de restaurant. Un viticulteur décide d’ouvrir un restaurant. Il achète alors un fonds de commerce à usage de restaurant et devient locataire d’un local commercial. Mais le propriétaire résilie le contrat de bail commercial, quelques mois plus tard, le viticulteur n’ayant toujours pas commencé sa nouvelle activité. Mécontent, le viticulteur réclame une indemnisation pour son préjudice, estimant que le notaire, intervenu à l’acte de vente du fonds de commerce, a manqué à son devoir de conseil en ne le prévenant pas qu’il restait de perdre son local loué s’il ne débutait pas rapidement son activité de restauration. Et le juge lui a donné… à moitié raison ! S’il a condamné le notaire, le juge a tout de même estimé que le viticulteur était en partie responsable de sa situation : il n’avait pas suffisamment élaboré son projet et aurait dû prendre contact avec un expert-comptable et déterminer, au préalable, le montant des travaux dans le restaurant.

Cession d’un fonds de commerce de tabac. Un notaire rédige l’acte de vente d’un fonds de commerce de tabac situé dans un centre commercial. 5 ans plus tard, l’acquéreur est exproprié, la mairie voulant détruire le centre commercial afin de procéder à un réaménagement de la ville. Cette expropriation pousse l’acquéreur à cesser son activité qui réclame alors une indemnisation de son préjudice au notaire. Selon lui, ce dernier a commis une faute en ne l’informant pas clairement, lors de la signature de l’acte de vente, que le projet de réaménagement de la ville pouvait impacter son fonds de commerce. Ce que conteste le notaire : à l’époque, il a contacté la mairie qui lui a répondu que ce projet de réaménagement n’impactait pas le fonds de commerce en question, réponse qu’il a annexé au contrat de vente. Le notaire explique ensuite que c’est après cette vente que la mairie a pris la décision de revoir le projet significativement, cette révision impactant le centre commercial au sein duquel se situait le fonds de commerce de l’acquéreur. Arguments qui vont convaincre le juge : le notaire n’a commis aucune faute et aucun dédommagement ne doit être versé à l’acquéreur.

Cession d’un garage. A l’occasion de la vente d’un garage, il a été reproché à un notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil pour ne pas avoir informé l’acquéreur qu’une cuve fuyante avait pollué le sous-sol. A tort selon le juge, le notaire n’ayant été informé ni par le vendeur ni par l’agent immobilier (pourtant au courant) de la présence d’une cuve enterrée.

Prêt. Vous devez, bien sûr, conseiller à votre client d’insérer une clause suspensive de prêt lorsque cela est nécessaire. Vous devez aussi informer l’acquéreur sur les conséquences de la non-souscription d'une assurance décès facultative proposée par la banque.

Vices cachés. Lorsque des vices cachés sont découverts, si la clause excluant la garantie des vices cachés est particulièrement claire et précise et rédigée dans des termes aisément compréhensibles, vous ne manquez pas à votre devoir de conseil.

Diagnostic. Un acquéreur a été victime d’inondation dès sa prise de possession de sa maison. Il s’est révélé que le réseau d’assainissement n’était pas conforme. Cette non-conformité était révélée par le diagnostic assainissement. Or, la Mairie ne l’avait pas encore envoyé au notaire lors de la signature de l’acte de vente. Le notaire a donc été condamné pour manquement à son devoir de conseil : il aurait dû informer l’acquéreur des diligences accomplies et du retard pris par la Mairie pour donner sa réponse. En outre, il aurait dû lui conseiller, soit de repousser la date de signature de l’acte, soit d‘émettre des réserves dans l’acte en attendant la réponse de la Mairie.

Cession des parties communes. Il a été jugé qu’un notaire était responsable de la vente de lots à un acquéreur qui se sont avérées être des parties communes de la copropriété, que l’acquéreur a finalement du racheter à celle-ci. Le juge a considéré que le notaire aurait dû s’assurer de la validité et de l’efficacité de l’acte de vente, et qu’il n’avait pas procédé aux vérifications nécessaires en ce sens.

A retenir

Le devoir de conseil est entendu très largement et constitue l’un des fondamentaux de la profession de notaire. Le devoir de conseil s’applique de manière essentiellement factuelle, selon les projets envisagés par vos clients.

J'ai entendu dire

Le jour de la signature de l’acte authentique, je me rends compte qu’un des clients ne comprend pas le français. Que dois-je faire ?

Si vous avez à faire à un client qui ne comprend manifestement pas le français, vous êtes tenu de recourir à un traducteur. A défaut, vous engagez votre responsabilité pour manquement à votre devoir de conseil.
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