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Transmission de patrimoine : vendre puis donner ou donner puis vendre ?

Date de mise à jour : 08/02/2023 Date de vérification le : 08/02/2023 9 minutes

Vous envisagez la vente de vos titres de société et vous réfléchissez, à cette occasion, à organiser la transmission de votre patrimoine au profit de vos enfants. Plutôt que de vendre, puis donner tout ou partie du produit de la vente à vos enfants, il peut être utile de réfléchir à inverser les opérations : donner vos titres, puis les vendre. Pourquoi ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Transmission de patrimoine : vendre puis donner ou donner puis vendre ?


Le schéma classique : je vends, puis je donne…

Le contexte. Fréquemment, à l’occasion de la préparation de la vente d’une société, et dans une optique de transmission du patrimoine, le dirigeant d’entreprise envisage légitimement l’opération de la manière suivante : il s’agit, tout d’abord, de vendre les titres de la société puis de procéder, par voie de donation le plus souvent aux enfants, à la transmission de tout ou partie du prix de cession. Analysons l’impact fiscal réservé à cette opération.

Le coût fiscal. Cette manière de procéder conduit bien souvent à constater une double imposition : la 1ère imposition se situe au niveau de l’impôt payé par le vendeur à raison de la plus-value réalisée lors de la vente des titres, soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. La 2nde imposition se situera, le cas échéant, au niveau des droits de donation payés lors de la transmission aux enfants, après application des abattements applicables.


Une optimisation fiscale à étudier : je donne, puis je vends…

Le schéma proposé. En procédant à ces mêmes opérations en sens inverse, vous allez pouvoir optimiser le coût fiscal de cette vente. Il s’agit donc, dans un 1er temps, de donner les titres de la société aux enfants qui procèderont à leur vente dans un 2nd temps. Quel est l’intérêt d’inverser ces opérations ?

Le coût fiscal. En procédant par voie de donation puis de vente, vous allez pouvoir « purger » la plus-value réalisée à raison de la vente de ces titres : en réalisant cette donation à une valeur identique à celle prévue pour la vente, aucune plus-value imposable ne sera exigible puisque, d’une part, la donation ne génère aucune plus-value et, d’autre part, la vente s’effectuera pour une valeur identique à celle retenue dans la donation. Cette purge de la plus-value sera totale ou partielle en fonction de la quotité des titres donnés par rapport à ceux qui sont vendus.

Conseil. La taxation de la donation n’est pas évitée. Mais n’oubliez pas qu’au moment de calculer les droits de donation, vous pouvez bénéficier d’un abattement dont le montant varie selon la personne du donataire (cet abattement sera par exemple de 100 000 € par enfant bénéficiaire et par donateur).

Le saviez-vous ?

Ce type d’opération peut aussi être réalisé en effectuant une donation démembrée des titres de société : vous ne donnez que la nue-propriété des titres de société tout en vous en réservant l’usufruit, ce qui permet de ne pas se dessaisir totalement de votre patrimoine en conservant une partie du prix de cession. Dans ce cas, le prix étant réparti entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, la plus-value ne sera alors purgée qu’à hauteur de la valeur de la nue-propriété des titres.


La « donation-cession » : une optimisation fiscale sous surveillance

Attention ! Ce schéma de transmission de patrimoine au moment de la vente d’une société est particulièrement intéressant, mais n’est pourtant pas sans risque : l’administration fiscale veille au grain et n’hésite pas à remettre en cause l’opération dès lors que le procédé présente une faille.

Quelle faille ? Ce risque porte un nom : il s’agit de l’abus de droit. Il y a « abus de droit » dès lors que les schémas retenus ou mis en place reposent sur des actes fictifs ou bien consistent en des montages qui ont pour objectif exclusif ou principal de vouloir éluder ou minorer l’impôt. Par suite, dès lors que l’administration est à même d’établir qu’une opération a été motivée par des considérations exclusivement fiscales (abus de droit fiscal), ou principalement fiscales (mini abus de droit fiscal), elle peut alors rétablir la véritable qualification des opérations et réclamer le montant de l’impôt de plus-value éludé, majoré des intérêts de retard et surtout d’une pénalité de 40 %, voire de 80 %.

Pour la petite histoire… C’est précisément ce qui est arrivé à un dirigeant qui a donné des parts de société à sa fille de 2 ans, parts qui ont ensuite été cédées à une autre société. Le père a appréhendé la quasi-totalité du prix de vente sur le compte bancaire de sa fille. Il s’est justifié en indiquant que sa fille lui avait consenti un prêt. Insuffisant pour l’administration et pour le juge qui ont considéré que l’opération menée était une donation fictive constitutive d’un abus de droit.

Faut-il s’inquiéter ? Non, pas nécessairement. Certes, l’utilité de l’inversion de l’ordre des opérations de vente et de donation est notamment motivée par des considérations d’ordre fiscal. La tentation est donc forte d’y voir rapidement un abus. Cependant, tel n’est pas systématiquement le cas car c’est une appréciation globale qui doit être portée sur l’ensemble des opérations de transmission : cette opération de donation-cession poursuit souvent un objectif civil (la transmission) dont on a optimisé l’effet fiscal. Or, l’optimisation fiscale ne constitue pas, en soi, un fait répréhensible : on peut comprendre que, si deux solutions s’offrent à vous, vous puissiez choisir la voie qui est la moins taxée.


La « donation-cession » : une optimisation fiscale à sécuriser

Des conditions à respecter. Voilà pourquoi la réalisation d’une telle opération suppose que soient respectées 2 conditions principales cumulatives. Conditions qu’il est conseillé de vérifier idéalement avec l’aide de votre conseil car, compte tenu des sommes souvent en jeu, le risque fiscal, important, ne doit pas être négligé.

La 1ère condition : la donation doit être antérieure à la cession. L’exigence d’une donation avant la cession est somme toute évidente puisque la stratégie de l’opération de donation-cession repose bien entendu sur cet ordre défini : une opération de donation à laquelle succède une opération de cession. Il faut, à cet égard, rappeler que le transfert de propriété des actions résulte de leur inscription au compte du donataire (celui qui bénéficie de la donation) et le transfert de propriété des parts sociales intervient à la date où il y a accord sur la chose et sur le prix. Il faut donc que la donation soit enregistrée avant ce transfert de propriété.

Le risque ? En pratique, on peut s’apercevoir que cette antériorité n’est parfois pas respectée. Imaginons un dirigeant qui, au moment de la rédaction d’un compromis de vente de parts sociales de sa société, réalise le montant de la plus-value imposable. Il décide d’intercaler une donation entre ce compromis et la vente définitive. Dans une telle hypothèse, l’administration fiscale pourrait considérer que la donation intercalaire n’a qu’un caractère purement fiscal et opérer un redressement sur le fondement de l’abus de droit, en estimant que le fait générateur de la plus-value résulte en réalité du compromis (accord sur la chose et sur le prix).

Le saviez-vous ?

Il reste entendu que cette condition ne fait pas obstacle à ce que des pourparlers ou des négociations interviennent avant la donation des titres dès lors que ces négociations n’aboutissent pas à une opération constituant un fait générateur de plus-value. Soyez vigilant quant au contenu de l’avant-contrat de vente, spécialement lorsqu’il est initié avant la donation.

Conseil. Le calendrier des opérations n’ayant pas de lien direct avec l’abus de droit, aucun délai particulier n’est exigé entre la donation et la vente, sinon un délai de bon sens lié à l’objet de la cession. L’essentiel reste que la donation doit être réelle et antérieure à la cession (c’est-à-dire enregistrée ou conclue par acte notarié avant la vente).

La 2nde condition : le prix de cession doit être appréhendé par les donataires. Comme nous l’avons évoqué plus haut, il est entendu qu’une telle opération puisse avoir une finalité fiscale. Mais il convient cependant de ne pas permettre à l’administration fiscale de considérer que l’opération a un but exclusivement ou principalement fiscal. Or, si vous appréhendez le prix de vente des titres qui ont été donnés, il est raisonnablement possible de s’interroger sur la volonté réelle de transmettre. Voilà pourquoi il est essentiel que vous vous dessaisissiez de manière irrévocable des titres donnés (ou de leur nue-propriété le cas échéant) afin que la donation ne soit pas considérée comme fictive.

Conseil. Il est essentiel que l’opération réalisée caractérise votre intention libérale : il ne s’agit pas de mettre en place des clauses dans le cadre de cette donation qui auraient pour effet de remettre en cause le caractère réel de la donation (on pense, par exemple, aux clauses qui ont pour effet de limiter le droit des donataires).

FocusLa donation-cession peut être couplée avec un démembrement de propriété permettant à la fois au donateur et à ses héritiers de percevoir une partie du prix de cession. Néanmoins l’administration effectue un strict contrôle des droits de l’usufruitier pour s’assurer qu’il ne perçoive pas la totalité du prix de cession…

Le saviez-vous ?

La donation doit être irrévocable et effective, de sorte que vous vous dépouillez définitivement des titres donnés. Vous ne devez pas vous réapproprier par quelque manière que ce soit les titres donnés ou la globalité du produit de la vente.

Un petit plus pour conclure. Il est essentiel que vous ne puissiez être considéré comme celui qui appréhende la totalité du prix de vente. Il faut donc être vigilant sur les conditions du remploi du prix de vente des titres et la gestion du patrimoine en résultant. A titre d’exemple, il arrive que l’opération de donation soit faite en démembrement de propriété et que soit mise en place une convention de quasi-usufruit à l’issue de la vente. Pour mémoire, un « quasi-usufruit » permet au quasi-usufruitier de disposer librement des sommes ou des droits soumis au quasi-usufruit (sous réserve d’une créance de restitution au terme du quasi-usufruit). La mise en place d’une telle convention de quasi-usufruit pourrait permettre à l’administration fiscale de considérer que le donateur a, par ce biais, appréhendé le prix de vente des titres transmis, considérant alors que la donation est purement fictive. Il faut donc veiller à ce que la rédaction de la convention de quasi-usufruit conforte les droits du donataire (mise en place de garanties pour le paiement de sa créance de restitution par exemple).

Conseil. Faites le point avec votre conseil sur la meilleure manière d’organiser la gestion du patrimoine correspondant au prix de vente des titres : opportunité de constituer une société civile qui aura la charge de gérer ce patrimoine, souscription d’un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation, etc.

A retenir

Si les opérations de donation-cession présentent l’avantage certain de pouvoir gommer tout ou partie des plus-values latentes acquises sur un bien, il conviendra néanmoins de respecter strictement les conditions d’antériorité de la donation et de dessaisissement irrévocable du bien donné si l’on souhaite échapper aux foudres de l’abus de droit.

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