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Clause de non-concurrence : les conditions de sa validité

Date de mise à jour : 15/11/2022 Date de vérification le : 20/11/2023 30 minutes

Une entreprise recrute un nouveau commercial qui va prospecter une nouvelle clientèle et développer son réseau de vente. Après plusieurs mois passés dans l’entreprise, ce salarié est embauché par la concurrence, ce qui a grandement pénalisé l’entreprise. Pour éviter de subir une situation de ce type, vous pouvez prévoir, dans vos contrats, une « clause de non-concurrence ». A quelles conditions sera-t-elle valide ?

Rédigé par l'équipe WebLex. En collaboration avec Cécile Gilbert, Avocat au Barreau de l'Eure, SELARL MAUBANT SARRAZIN VIBERT - Fiscalex
Clause de non-concurrence : les conditions de sa validité

Clause de non concurrence : des conditions précises

4 conditions. La clause de non-concurrence que vous pouvez imposer à votre salarié, parce qu’elle vise à empêcher le salarié d’exercer une activité professionnelle pendant une durée définie, est encadrée par des conditions de validité strictes.

Au préalable. Il faut évidemment que cette clause soit prévue dans le contrat de travail, que le salarié aura bien évidemment signé, pour qu’elle lui soit opposable.

1ère condition : la protection des intérêts légitimes de l'entreprise. Il faut, en effet, que la clause soit protectrice pour l’entreprise : cette condition de validité s’appréciera donc au regard de l’activité de l’entreprise, des spécificités de l’activité exercée par le salarié, de la situation concurrentielle de l’entreprise, etc.

Illustration… Une personne a été engagée en qualité d’assistante commerciale dans une entreprise. Son contrat prévoyait une clause de non-concurrence. Démissionnaire, elle est engagée par une entreprise concurrente. Son ancienne société, constatant qu’elle n’avait pas respecté les conditions de la clause, lui ordonne de cesser toute activité concurrente. Le juge, saisi du litige, a constaté dans cette affaire que la personne n’était jamais en contact avec la clientèle de l’entreprise, que ses attributions et fonctions étaient limitées (ce que confirmait sa faible rémunération) : il a conclu que la clause de non-concurrence n’était pas ici indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur, et l’a déclarée nulle.

2ème condition : une limitation dans le temps et dans l'espace. Une interdiction d‘une durée trop longue, compte tenu de la nature de l’emploi entraînerait la nullité de la clause. Quant à son étendue géographique, il est impératif que la clause n’empêche pas le salarié de travailler (ne faut pas que la clause porte une atteinte excessive au libre exercice d’une activité professionnelle par le salarié). Notez qu’il peut arriver, bien que cela soit relativement rare, que le juge révise ou réduise la clause de non-concurrence.

Le saviez-vous ?

Une clause qui empêche un salarié de travailler dans toute la France, voire qui l’obligerait à s’expatrier, serait déclarée nulle. Il en serait de même d’une clause de non-concurrence qui s’appliquerait « au niveau mondial », laquelle ne serait pas, en tant que tel, délimitée dans l’espace.

Inversement, une clause qui interdit à un salarié de travailler en Corse pendant 1 an a été jugée valable.

Attention. Soyez précis dans la rédaction de la clause de non-concurrence, notamment dans sa délimitation géographique. N’hésitez pas à détailler ce critère pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. En cas d’imprécision qui permet à l’employeur de modifier à son gré l’étendue géographique, la clause est nulle.

Une nuance, tout de même. La seule étendue géographique de la clause ne suffit pas à la déclarer nulle. Il faut aussi rechercher si la salariée se trouve dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle.

3ème condition : tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié. La clause doit laisser la possibilité au salarié d’exercer normalement une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.

Illustration. Un salarié est engagé en qualité d’opérateur assistant de trésorerie. Son contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence qui lui interdit toute activité d’opérateur de trésorerie au sein des marchés interbancaires à Paris, dans la CEE et en Suisse. Le salarié démissionne de son poste pour aller travailler pour une entreprise concurrente à Paris. Son ancien employeur, estimant que la clause a été violée, saisit le juge. Le juge constate que le salarié avait la possibilité de retrouver un emploi d’opérateur au sein d’un établissement bancaire ou financier n’intervenant pas sur les marchés financiers en qualité d'intermédiaire ou de conseil en gestion de patrimoine, correspondant à sa formation universitaire et aux fonctions qu'il avait exercées pendant plusieurs années. Donc, la clause de non-concurrence était bien licite, et le salarié ne l’a pas respectée.

4ème condition : une contrepartie financière. Le montant de cette contrepartie doit être déterminé au regard de l’atteinte à la liberté professionnelle du salarié qu’elle induit. Référez-vous le cas échéant à la convention collective qui peut prévoir le quantum de cette contrepartie. Ayez à l’esprit qu’une clause d’un montant dérisoire équivaut à une absence de contrepartie.

Attention. Il n’est pas possible de prévoir, comme l’ont confirmé les juges, que cette contrepartie financière ne soit due qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative du salarié ou à l’initiative de l’employeur. De la même manière, il a été jugé que le paiement de cette contrepartie financière ne puisse pas être refusé en cas de licenciement pour faute grave du salarié.

Attention (bis). Il n’est pas non plus possible de prévoir des montants différents selon le mode de rupture du contrat, voire de prévoir une minoration de cette indemnité en cas de démission du salarié par exemple. Mais il n’est pas non plus possible d’appliquer une telle minoration, même si elle est prévue par votre convention collective. Une clause qui modulerait ainsi la contrepartie financière serait réputée non écrite : le juge considèrerait donc, en cas de contentieux, que cette clause de modulation n’existe pas, la clause de non-concurrence trouvant néanmoins à s’appliquer.

Précision. Lorsqu’une convention collective prévoit une contrepartie financière, il n’est pas obligatoire de faire référence à cette contrepartie, la convention collective s’appliquant nécessairement au salarié. C’est donc le montant de cette contrepartie qui sera dû au salarié et non pas des dommages-intérêts.

Le saviez-vous ?

Pour la petite histoire, sachez qu’une contrepartie financière n’est pas nécessaire dans le cadre d’une clause de non-concurrence imposée à un professionnel libéral n’ayant pas le statut de salarié. Il en sera de même pour un dirigeant non salarié.

Dans ces hypothèses, la clause est valable si elle est limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.

Conseil. D’une manière générale, retenez qu'une clause de non-concurrence qui permet à l'employeur d'agir à sa discrétion et laisse le salarié dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle : c’est ce qui a conduit le juge à annuler une clause de non-concurrence qui prévoyait notamment une durée dans le temps de 6 mois renouvelable une fois (à la discrétion de l’employeur) et un montant de contrepartie financière égal à un maximum de 6 mois de salaire.

Lui préférer une « clause de loyauté » ? Une clause de loyauté interdisant à un salarié d’entrer en relation, directement ou indirectement, par quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu’il a côtoyée lorsqu’il était au service de son ancien employeur est en fait une clause de non-concurrence. Aussi, si elle ne remplit pas les conditions de validité d’une telle clause, elle est illicite.

Contestations. Si le salarié conteste la validité de la clause de non-concurrence, il peut saisir le juge des référés dans le cadre d’une procédure d’urgence destinée à faire cesser rapidement un trouble manifestement illicite. Dans ce but, le juge peut alors prononcer des mesures provisoires, telles qu’une inopposabilité partielle (c’est-à-dire que la clause de non-concurrence aurait une portée réduite).


Clause de non concurrence : si elle n’est pas valable…

Un vrai risque… Seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la clause de non-concurrence. Autrement dit, en pareil cas, si le salarié se voit dans l’obligation de respecter une clause qui s’avère nulle, il subit un préjudice qui peut justifier le paiement de dommages-intérêts par son employeur.

En revanche… Si le salarié ne respecte pas la clause de non concurrence qui n’est pas valable, il ne pourra pas prétendre à des dommages-intérêts. C’est ce qui a déjà été jugé dans une affaire où un salarié avait exercé une activité concurrente 2 jours après la rupture de son contrat et qui souhaitait malgré tout être indemnisé. Le juge a rappelé que les dommages-intérêts sont destinés à compenser un préjudice, qu’ici le salarié n’avait pas subi.

Une conséquence… En présence d’une clause nulle, le salarié retrouve toute sa liberté à la fin de son contrat de travail, mais cela ne l’autorisera toutefois pas à commettre des actes de concurrence déloyale : s’il agit en concurrence déloyale à votre égard (détournement de clientèle par exemple), vous aurez toujours la possibilité de le poursuivre en justice.

Le saviez-vous ?

La nullité de la clause de non-concurrence a pour conséquence une double peine pour l’employeur :

  • si la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle cause un préjudice au salarié, il doit être indemnisé à ce titre ;
  • en outre, le salarié n’est pas dans l’obligation de respecter une clause de non-concurrence nulle : libéré de son obligation de non-concurrence, il peut donc librement travailler pour une entreprise concurrente.

A noter. La clause de non-concurrence qui serait jugée dépourvue de cause licite ne s’imposerait pas à l’employeur.

Illustration pratique. C’est ce qui a été jugé dans une affaire où les contreparties étaient particulièrement déséquilibrées, le salarié étant très largement avantagé : la contrepartie financière (2 ans de salaire) était très supérieure aux usages de l’entreprise et ne se justifiait ni par l’étendue géographique de l’obligation de non-concurrence (2 départements), ni par la durée de celle-ci (24 mois), ni par la nature des fonctions exercées. En outre, la pénalité applicable au salarié en cas de violation de son obligation était dérisoire (moins d’1/8 de sa contrepartie financière). L’entreprise n’a donc pas eu à payer la contrepartie financière au salarié.


Clause de non-concurrence : quelle est sa portée ?

Dans tous les cas… Une clause de non-concurrence a vocation à s’appliquer dans toutes les hypothèses de rupture du contrat : démission, licenciement, rupture conventionnelle, terme d’un CDD, départ en retraite, etc. Mais vous avez la possibilité de limiter l’application de la clause à certains cas de rupture : il a par exemple été jugé que la mise en œuvre de cette clause pouvait être expressément exclue en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

Si le salarié ne respecte pas cette clause… Si le salarié exerce une activité concurrente en méconnaissance des limites fixées par la clause de non-concurrence, et à supposer que cette clause soit évidemment licite, il perd son droit à la contrepartie financière. Il pourra, en outre, être condamné au versement de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi par l’ex-employeur. Ce dernier pourra également saisir le juge pour faire cesser les actes de concurrence illicites.

Une indemnité forfaitaire au profit de l’employeur ? Le contrat de travail peut prévoir qu’en cas de non-respect de la clause de non-concurrence, le salarié sera redevable d’une indemnité au profit de l’employeur. Dès lors que la clause est valable, le salarié devra indemniser l’employeur s’il méconnaît son interdiction de concurrence.

Le saviez-vous ?

Le nouvel employeur pourra aussi être recherché en réparation du préjudice subi s’il est avéré qu’il s’est rendu complice de la violation de la clause de non-concurrence en embauchant sciemment le salarié.

De même, si un salarié dissimule le fait d’être lié à son ancien employeur par une clause de non-concurrence, il commet une faute grave justifiant son licenciement.

Attention à la preuve ! Un employeur a déjà été condamné à indemniser un ex-salarié qui ne respectait pas sa clause de non-concurrence parce qu’il avait fait suivre le salarié plusieurs heures par un détective privé pour prouver son manquement. Les juges ont considéré que le procédé était déloyal et portait atteinte à la vie privée du salarié.


Clause de non-concurrence : y renoncer ?

Renoncer à la clause ? Il est possible de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence, ce qui vous évitera d’avoir à verser la contrepartie financière. Pour cela, vous devez respecter les conditions prévues pour cette renonciation, si elle est prévue dans le contrat de travail ou, à défaut, dans la convention collective.

Renonciation unilatérale non prévue. En l’absence de possibilité de renonciation prévue au contrat, ou dans la convention collective, il faut nécessairement l’accord du salarié. S’il ne donne pas son accord, la renonciation ne lui est pas opposable. Il peut donc demander le versement de la contrepartie financière.

Pour la petite histoire… Une entreprise qui a renoncé à la clause de non concurrence sans l’accord du salarié alors que la clause ne comportait pas de contrepartie financière a été condamnée à verser à ce dernier des dommages-intérêts évalués à 6% de sa rémunération mensuelle.

Attention au délai. Si vous envisagez d’insérer une clause de ce type dans le contrat, prévoyez un délai raisonnable de renonciation après la rupture du contrat (il a été jugé qu’une clause par laquelle l’employeur se réserve la faculté, après la rupture du contrat, de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l’exécution de celle-ci n’est pas valable). En l’absence de clause dans le contrat de travail ou la convention collective prévoyant le délai de renonciation, vous ne serez dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause que si vous libérez le salarié de son obligation de non-concurrence au plus tard à la date de son départ effectif. Après, il sera trop tard : vous restez tenu au paiement de la contrepartie financière.

Le saviez-vous ?

Faites attention si vous dispensez un salarié sur le départ d’effectuer son préavis : si vous entendez renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, vous devez le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, et non pas à la date à laquelle s’achève effectivement le préavis. Si vous ne respectez pas cette règle, votre renonciation à l’exécution de l’obligation de non-concurrence sera jugée tardive !

Renoncer en cours de contrat ? C’est possible, mais pour autant que le contrat le prévoit. C’est ce qu’a rappelé le juge qui a estimé que l’employeur ne peut pas, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause au cours de l’exécution de cette convention.

Conseil. Le libellé de la clause est un exercice qui peut se révéler périlleux. Soyez précis sur les conditions de sa validité (durée et zone géographique d’application, montant de la contrepartie) et sur les modalités de la renonciation. A ce titre, il peut être intéressant d’insérer une clause de type : « La société se réserve le droit de libérer (nom du salarié) de son interdiction de concurrence sans que ce dernier puisse prétendre à une quelconque indemnité, pour autant que cette renonciation, notifiée par lettre recommandée avec accusé réception, intervienne à tout moment en cours d’exécution du contrat ou au plus tard dans les XX jours de la notification de la rupture du contrat ».

À retenir

N’oubliez pas que, pour qu’une clause de non-concurrence soit valable, elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace et suppose une contrepartie financière pour le salarié ; en outre, elle doit être instaurée en vue de protéger les intérêts de l’entreprise, condition appréciée notamment au regard des spécificités de l’emploi occupé par le salarié.
 

J'ai entendu dire

Je viens de me séparer d’un salarié qui n’était pas lié par une clause de non-concurrence. Or, il vient de s’installer à son compte pour exercer une activité concurrente à la mienne, pas très loin de mon entreprise et, manifestement, il tente par tous moyens de capter une partie de ma clientèle. Comment puis-je me défendre ?

Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas protégé par une clause de non-concurrence que vous ne disposez d’aucun moyen d’action. Vous pouvez intenter, à l’encontre de votre ex-salarié, une action en concurrence déloyale, pour autant que vous puissiez apporter toute preuve utile tendant à démontrer qu’il se livre à des actes fautifs (ce qui pourra être le cas si, par exemple, il entretient une certaine confusion, vis-à-vis des clients entre votre entreprise et la sienne).
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